« Christophe Tarkos est un poète du flux verbal. Sa syntaxe explore le langage et fabrique une série de signes qui aboutissent à une langue nouvelle.
Dans son texte, L’argent, il interroge la valeur de l’argent, infiltrée dans toutes les réalisations et mouvements de l’esprit, tous les gestes, qui n’est pas restée dans le domaine des jugements, qui est une valeur vivante. Ce texte est essentiel, non seulement par sa beauté (sa virtuosité pourrait-on dire) mais parce qu’il décortique le sens jusqu’à l’os, et dénonce avec une évidence tranquille et perturbante, avec également un humour troublant, le nerf de la guerre : l’argent. L’argent, devenu pur flux financier, est une virtualité qui fonctionne sur des ordres donnés et des statistiques. L’argent n’a plus de support matériel, et pourtant il est aujourd’hui le flux dominant qui gère le monde.
Ce spectacle donne à voir ce flux, questionne son mouvement, sa vitesse, la somme colossale d’informations qu’il charrie et que l’individu est supposé trier et traiter. Comment résister à la masse d’informations, comment maintenir un état de conscience, une singularité ? Travailler sur le flux financier ou les flux de données, en interaction avec le flux verbal du poème, exige un traitement particulier et participe d’une nouvelle grammaire visuelle, interactive et narrative. Donc, d’un côté, un environnement virtuel et visuel qui entoure les interprètes mais également les spectateurs, dans une esthétique purement numérique. De l’autre, deux interprètes, Stanislas Nordey et Akiko Hasegawa, un homme et une femme, un Français et une Japonaise, un comédien et une danseuse, deux langues, une altérité absolue et pourtant deux corps qui, par la parole, le mouvement et le regard communiquent et créent une logique émotionnelle, apportent une âme et finalement retrouvent les gestes ancestraux d’une époque où le temps échappait au flux.
Spectacle hybride, L’argent utilise des outils contemporains pour donner à entendre/voir/ressentir/penser le flux dans lequel nous refusons de nous noyer. »
Anne Théron
3 bis, rue Papin 75003 Paris