L’habit vert

le 26 janvier 2001

L’habit vert

CLASSIQUE Terminé

On attribue généralement au tragique le pouvoir d'interroger l'homme et sa destinée. Mais la farce qui dénonce, la satire qui critique, le rire qui s'insurge ? Henri Bergson, philosophe " sérieux " publie son étude sur le rire, en 1900, au moment où commence cette Belle Epoque qui apparaîtra dans le théâtr

Vert, couleur de l’habit à l’Académie française
Texte du metteur en scène
Vert comme l’Habit
La presse

Hubert de Latour Latour sera t’il le nouvel amant de la Duchesse ? ou le candidat dont rêve le Duc pour l’Académie ? Brigitte, jeune provinciale, épousera t’elle Hubert ? Autour d’eux s’agite dans un engrenage comique implacable une galerie de pantins.

Vert, couleur de l’habit à l’Académie française

Le Duc de Maulévrier, homme d’ancienne noblesse, sénateur et conseiller général siège aussi à la Coupole. C’est chez lui, dans un manoir en Normandie que commence la comédie. Je me porte bien. Il ne se passe rien : les deux répliques résument à peu près sa vision du monde en 1912. Pour lui, l’Histoire s’est arrêtée en 1830 avec la chute de Charles X.

Son épouse, la Duchesse de Maulévrier est une riche héritière venue d’Amérique qui lui assure une rente mensuelle de 400 000 francs.

Femme d’âge mûr, pétulante et généreuse, elle aime l’amour et les hommes. Son dernier amant vient de se marier. Comme tous les précédents d’ailleurs. Pour elle, c’est un jour de deuil. Toute la petite société, en villégiature dans les environs, vient aux nouvelles ; ça distrait !

Parmeline, son ancien amant est là, qui continue à se prendre pour un pianiste de génie. Hubert de Latour-Latour l’accompagne. Il n’a pour lui, célibataire de 40 ans, que sa platitude et sa vanité.

Un nouvel amant pour la Duchesse ? Le candidat dont rêve le Duc pour l’Académie ? Et Durand, le président de la République pourra-t-il faire quelque chose pour eux ? Peut-être faudra-t-il faire appel à l’huissier ? On se croirait dans le film Hellzapopin...

Oui, l’univers peint par de Flers et Caillavet n’a aucune épaisseur. Et si c’était là son charme et son intérêt ? Leurs personnages ne travaillent pas, ne pensent pas, n’aiment pas. Ils parlent.

Des pantins, des fantôches ? Plutôt les masques d’un carnaval grotesque. Est-on chez Grosz ou chez Ensor ? Les répliques et les bons mots fusent de toutes parts, les portes claquent, les situations sont cocasses et le mouvement vif comme un engrenage implacable qui s’accélère pour cacher la mort.

Parmi ces masques, deux individus se distinguent. Deux femmes : la Duchesse qui souffre ; l’autre, la jeune secrétaire provinciale qui s’obstine à réaliser ses désirs. Toutes deux rompent avec le piège de machine à broyer du vide.

De l’énergie pour l’avenir ? Michel Cournot, à propos d’un vaudeville, parlait dans une critique de théâtre pour rire.

Pour rire, certes, l’efficacité comique du genre n’est plus à démontrer.

Pour rire, voire : sous les masques, le tragique peut rôder.

Pour rire ; non, s’il s’agit de voir en lui une bulle de savon qui meurt avec le temps.

La distance permet au contraire d’en reconsidérer le sens, d’interroger et de réévaluer la vanité du sujet et des personnages.

Oh, monsieur ! aurait répondu à Robert de Flers, son valet de chambre après que celui-ci ait vu une de ses comédies, J’ai bien ri ! C’était encore plus idiot que la dernière fois ! Remarque plus pertinente qu’impertinente ! Et si dans cette " idiotie " qui fait jaillir les rires, affleuraient le néant et la mort d’un monde ?

1912 : Deux ans séparent L’Habit vert du déclenchement de la Grande Guerre qui fait entrer le monde avec fracas dans l’inconnu du XXème siècle.

Texte du metteur en scène

C’est le ton de la Nation ; si les Français perdent une bataille, une épigramme les console ; si un nouvel impôt les charge, un vaudeville les dédommage.

Carlo Goldoni : Mémoires (3ème partie, chap. 37)

On attribue généralement au tragique le pouvoir d’interroger l’homme et sa destinée.

Mais la farce qui dénonce, la satire qui critique, le rire qui s’insurge ?

Henri Bergson, philosophe " sérieux " publie son étude sur Le Rire, en 1900, au moment où commence cette Belle Epoque qui apparaîtra dans le théâtre de Flers et Caillavet dans toute la splendeur de sa bêtise, de son lucre et de sa frivolité.

Il y a d’abord un " ton " Flers et Caillavet : l’esprit acéré, l’entrain ravageur, l’humeur joyeuse mais satirique. Un ton, certes badin, mais qui égratigne et met à nu ; le ton de qui sait parfaitement que " le tact de l’audace, c’est de savoir jusqu’où on peut aller trop loin " comme l’écrit plaisamment Jean Cocteau. Sous l’amabilité, perce une noirceur plus inquiétante : on brocarde férocement les institutions, les plus hautes autorités de l’Etat avec une belle liberté d’esprit. Moralistes sans prétention ? Sans doute, mais la qualité de leur observation, leur regard frondeur sur les mœurs de leur temps sont saisissants.

Leur théâtre est l’héritier direct des vaudevilles de Labiche et de Feydeau et comme chez eux, le langage brillant, les mots d’esprit acerbes constituent l’existence même des personnages. C’est la parole qui agit et le personnage est là tout entier dans l’instant de sa réplique, incapable de maîtriser son destin.

Flers et Caillavet vont concilier dans leur théâtre le vaudeville satirique et la comédie de mœurs. On pourrait parler d’un " vaudeville humanisé " qui voit évoluer le genre vers une comédie d’intrigue d’où la critique sociale est loin d’être absente. Robert de Flers voyait dans le théâtre une " grande chronique " qui permet de critiquer les mœurs du temps et de dénoncer les craquements d’une société.

1912 : Ils écrivent L’Habit vert, fantaisie satirique sur les travers du grand monde et les ridicules des académiciens (Flers sera l’un d’entre eux quelques années plus tard). Mais au delà des bons mots et d’un mécanisme comique parfaitement huilé, émerge la vision " surréaliste " de leur temps qui apparaît dans son vide, sa fatuité, son inconscience. La pièce prend alors la dimension d’une métaphore de la Belle Epoque qui en 1912, ne sait pas encore qu’elle court à la catastrophe. Ces années sont celles des paradoxes et des contradictions.

" Il ne se passe rien " répète sans cesse le Duc de Maulévrier dans L’Habit vert. Rien, vraiment ?

Anne-Marie Lazarini

Vert comme l’Habit

Nous allons, si vous le permettez, examiner un instant cet habit, d’un oeil froid, avec la plus stricte impartialité, sans prétendre le mettre aux nues ni lui entamer son procès surtout sans nous hâter d’en rire, bien qu’il ait parfois fait pleurer ! Il n’a jamais joui d’une complète réputation décorative. On s’accorde généralement à le trouver rigoureux, maussade et sans allégresse. Je crois que cette mauvaise opinion lui vient de la couleur de son plumage qui n’a pas été comprise. Cette couleur, je n’ai pas à vous l’apprendre, c’est le vert, puisqu’il faut l’appeler par son nom... Mais un vert particulier qui ne se rencontre qu’ici sur nos épaules et à nos flancs, le vert de la Maison, ce vert choisi, prémédité, semble-t-til, un vert savant, pédagogique, acide et rigide, un vert de cabinet de travail et d’étude d’avoué, un vert de portefeuille et d’abat-jour, de drap de bureau et de reliure de dictionnaire.

Eh bien, ce vert, même si la raison ne le comprend pas, avait cependant ses raisons il était indiqué, symbolique, fatal. Nous ne pouvions pas y échapper.

Quelle autre couleur en effet eût conçu l’audace de lui disputer la palme ? Le rouge était d’une humeur violente et guerrière incompatible avec nos honnêtes travaux. Le bleu ? par galanterie anticipée, on le réservait aux dames, porteuses de bas de cette même nuance, pour le jour où elles deviendraient, elles aussi, membres de l’Institut. Le blanc, si salissant, sentait d’ailleurs trop son roi. Le violet était trop d’église, l’orangé d’un vaniteux fracas et le jaune eût fait sourire. Alors ? Il ne restait donc que le vert de vraiment qualifié pour un habit qui déchaîne à la fois tant de convoitises, de dédains, de sarcasmes, d’ambitions et de rêves, le vert qui est justement la couleur de l’absinthe, de la bile et de l’espérance... Et fallait-il, étant donné l’inévitable vert que ce fût un vert " artiste " et poétique, le vert frivole et vain de l’émeraude ou de la feuille d’eau ? ou le vert montagnard et gai du Tyrolien ? ou le vert exotique, ce vert glorieux de l’étendard du Prophète, ou celui, plein de volupté, des voiles de Scheherazade ? Non, tous ces verts-là n’étaient pas pour nous. Le seul qui s’imposait, se justifiait, le seul définitif était bien celui qui sut nous échoir, le vert sérieux, le vert académique.

Henri Lavedan
(extrait de L’Académie française 1989).

Lorsque deux ans après la suppression des académies d’Ancien Régime, l’Institut National fut créé par la Convention de 1795, il ne reçut pas de costume particulier. Ce sont les membres eux-mêmes qui demandèrent à porter un signe distinctif de reconnaissance et de ralliement.

Après bien des tergiversations sur la couleur du drap (d’abord brun, puis noir) puis celles des broderies (d’abord souci, puis aurore pour finalement adopter la nuance du feuillage d’olivier), un arrêté signé du Premier Consul, Bonaparte, le 23 floréal an IX fixe la règle encore suivie aujourd’hui : un habit, gilet ou veste, culotte ou pantalon noirs brodés en plein d’une branche d’olivier en soie vert foncé, chapeau à la française

Quant à l’épée qui indiquait à l’origine que les gens de lettres faisaient partie de la Maison du Roi, elle devint, au cours du XIXème siècle l’emblème des corps officiels de l’Etat.

Mais le symbole n’est pas comme pour les officiers, les ambassadeurs, les préfets, les inspecteurs des finances, d’autorité et de dignité.

L’épée des académiciens n’exprime pas leurs fonctions mais traduit avec beaucoup de liberté la personnalité d’un artiste, d’un savant, d’un penseur que son oeuvre a distingué parmi les grands créateurs.

D’après http//www.académie-française.fr/immortels/habit_vert.htlm

La presse

"Anne-Marie Lazarini nous offre une délicieuse adaptation du chef d’oeuvre L’Habit vert.(...) Effrontée, toxique, d’une ironie au vitriol, cette comédie allègrement interpretée fustige les autorités avec une verve qu’on n’oserait guère aujourd’hui." Fabienne Pascaud, Télérama

"Dans un décor à transformations tout simple, et sur fond de succès musicaux de l’époque, Anne-Marie Lazarini dirige allègrement de bons comédiens nous font rire aux éclats. La soirée... pétille." Annie Coppermann, Les Echos

"C’est gagné, on s’amuse !"  Marion Thébaud, Madame Figaro

"Claude Guedj, Philippe Lebas, Jacques Bondoux, Marc Schapira, Irène Chauve et Andréa Retz-Rouyet en délicieuse duchesse, nous offrent un véritable feu d’artifice, tous les comédiens sont à l’unisson. Une excellente soirée." Marie-Cécile Nivière, Pariscope

"Anne-Marie Lazarini accompagne avec une ironie contenue le jeu du vaudeville et du rire. Interprétation d’une belle unité. Spectacle d’une joyeuse et persiflante teneur." J. Chollet, AS.

"On rit, la soirée est plaisante, illuminée par un comédien : c’est Philippe Lebas, qui y va de son énergie et de sa merveilleuse aptitude au comique." A. Héliot, Le Quotidien du médecin

"Les éclats de rire fusent mais il y a dans tout cela une émotion, une tendresse, une finesse d’analyse qui rend heureux et même intelligent. L’interprétation d’Andréa Retz-Rouyet atteint à la poésie, Jacques Bondoux a des instants magnifiques. Anne-Marie Lazarini a le don de ces distributions d’excellents comédiens." Jean-Luc Jeener, Figaro Magazine

"Entrecoupés par des airs de l’époque, les quatre actes passent comme un charme. Très bonne interprétation." Annie Chénieux, Le Journal du Dimanche

"Du vaudeville dans toute sa splendeur..." Aden

"Une dinguerie de polka piquée absolument hilarante." Le Nouvel Observateur

"On passe une soirée des plus suaves" Jacques Nerson, Valeurs actuelles

"Somptueux costumes de Dominique Bourde, dans le style de l’époque. Spectacle qui fait grandement honneur au Théâtre Artistic Athévains." Raymond Finet, Itinéraires Wallons

"La soirée se met à filer comme la plus hilarante des charges de cavalerie." G. Costaz, Politis

"Du théâtre comme on l’aime : fin et enlevé avec Philippe Lebas irrésistible de drôlerie. Une réussite." Figaroscope

"Anne-MarieLazarini a monté avec intelligence cette pièce fort drôle." Pierre David, Réforme

"Les comédiens évoluent brillament dans une mise en scène à la fois posée et vive, élégante et perspicace signée Anne-Marie Lazarini. Bref, un régal." Caroline Faure, Paris BB

"C’est un monde étrange qui se découvre. Pas loin de Labiche ou Feydeau. Plus proche encore de Proust. On rit. Beaucoup. Ce qui est rendu ici, c’est ce sentiment de dernière danse sur un volcan. Une danse menée tambour battant." Didier Méreuze, La Croix

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Informations pratiques

Maison des Arts à Laon

place Aubry 02000 Laon

Spectacle terminé depuis le vendredi 26 janvier 2001

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