Le spectacle est précédé d’une pochade, Les Salutations de Ionesco.
Dans cette farce moliéresque inspirée de L’impromptu de Versailles, Ionesco se met en scène, confronté aux critiques qu’il ridiculise avec bouffonnerie. C’est pour lui l’occasion d’une jonglerie verbale délirante et caustique sur la spectato-psychologie, la costumologie, la décorologie et tout le salmigondis des censeurs de tous poils ; le cul entre deux chaises, face à l’incompréhension de son théâtre.
Créée en 1956, L’impromptu de l’Alma, pourrait passer pour une simple bouffonnerie ; elle marque en fait un tournant décisif dans l’œuvre dramatique de Ionesco.
Réputé et reconnu jusque là comme chantre de l’absurde à l’égal d’Adamov ou de Beckett ; vilipendé par les critiques conservateurs ; il s’érige soudainement contre l’avènement du théâtre de Brecht et la théorie de la Distanciation soutenue par Bernard Dort et Roland Barthes qu’il ose caricaturer sous forme de docteurs en théologie, tous nommés Bartholoméus. Il se met en scène lui-même dans sa fonction de dramaturge et subit les assauts de ces clercs auxquels il adjoint un critique omnipotent : Jean-Jacques Gautier.
A partir de cette date, son théâtre prendra une forme beaucoup plus significative, défendant une vision ultra-pessimiste de l’individu victime de la société. C’est ainsi qu’il créera le personnage de Béranger dans Tueur sans gages - pièce que j’ai eu l’immense émotion de monter en 1994, quelques mois après sa disparition. Il perpétuera ce personnage dans quatre pièces jusqu’à la consécration avec Le roi se meurt.
Célébré au plus haut niveau dans les années 60 au Théâtre de France de Jean-Louis Barrault avec Rhinocéros et à la Comédie Française avec La soif et la faim, les Bartholomeus semblent avoir repris le dessus… une célèbre revue (Théâtre en Europe) ne le mentionne pas une seule fois en quatre ans d’existence… pas plus que Montherlant tous deux "immortels" selon l’Académie… Il n’est pas bon de s’attaquer aux "clercs" !
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