Du brouillard londonien des années 1900 s’échappent les chants et les scandales d’une bande d’éclopés, repris en choeur par des nobles endimanchés, habitués des bordels de Soho. Adaptant L’Opéra des gueux de John Gay, Bertolt Brecht élève avec son Opéra de quat’sous la satire sociale à un degré scénique qui renvoie les personnages à des figures multiples, rayonnantes. Une fête théâtrale. Il s’agit d’une histoire, où les classes sociales se brassent et se confondent, jouent ensemble.
L’histoire de la chute et du triomphe de Mackie Messer, bandit superbe aux gants blancs, épousant Polly, l’unique fille de Jonathan Jeremiah Peachum, grand chef d’une entreprise de mendiants professionnels. A la nouvelle de ce mariage de pacotille, Peachum, inquiet pour ses affaires, se met en tête de faire pendre ce monsieur Mackheat, et s’en remet à Tiger Brown, chef de la police, homme supposé droit, mais lié d’une indéfectible amitié pour Mackie. Ici bas, peu d’enjeu autour de l’amour, seul compte l’argent – ce little boy qui lessive toutes les réputations, des brigands et des bourgeois, des gentilshommes et des voyous.
Avec un humour et un imaginaire débridés, Brecht nous renvoie en pleine figure notre terrible réalité sociale. A l’image de ces marionnettes déguisées, ces mannequins de fortune déclinant la misère en cinq types fondamentaux, il déconstruit notre société et dessine une mythologie durable du capitalisme. Avec le haut vol de Mackie, l’amour fou de Polly, la jalousie vengeresse de Jenny, l’avarice de Peachum... Brecht écrit une pièce en feuilletons d’aventures. Weill en fait le livret d’un drôle d’opéra pour lequel il recycle et réinvente les musiques du melodramma, des chansons de variétés, du cabaret, du song, du jazz...
Les tableaux de L’Opéra de quat’sous sont autant de genres scéniques, matériau idéal pour une horde théâtrale à l’appétit sans limite. Une pulsion de vie, un joyeux combat. Le jeu est permanent, le chant cannibale, avec un couteau dans la gorge ou le coeur brisé, la danse enivrante, avec des béquilles ou à cloche-pied. Une aventure sur un plateau raboté, notre radeau mondial.
Avec Davy Sladek (saxophone alto, ténor et baryton, clarinette, flûte traversière), Cédric Le Ru (saxophone soprano et ténor), Mathieu Reinert (trompette), Jocelyn Mathevet (trompette), Matthieu Adam (trombone), Pierre Cussac (bandonéon), Florent Guépin (guitare, banjo), Mathieu Martin (contrebasse), Denis Debrières (percussions), Samuel Jean, Frédéric Rouillon (piano, harmonium, célesta). En alternance.
Place Jacques Brel 78505 Sartrouville