Nommé codirecteur du Théâtre de Sartrouville depuis janvier 2004, Laurent Fréchuret est né il y a trente huit ans à Saint-Etienne « ville émouvante et un peu désuète », dont il ne s’est jamais éloigné, car il y trouvait « l’espace et le temps d’y rêver les choses » et parce qu’elle appartient à la grande histoire de la décentralisation, qu’elle en est même le berceau. Depuis que Jean Dasté l’installa en 1946, la Comédie de Saint-Étienne reste un noyau d’où se diffuse, de génération en génération, le virus du théâtre.
Laurent Fréchuret en fut atteint dès le lycée, quelques spectacles mémorables notamment Hamlet-Machine monté par Bob Wilson, firent naître en lui, « l’envie d’aller y voir d’un peu plus près ».
Le déclic et le feu aux poudres Entre le théâtre, qu’il pratiquait avec ses copains de lycée, et la photo qui le passionnait, il refusait l’enfermement d’un choix. À dix-huit ans, sa rencontre avec Jean Dasté sera « le déclic du sens et du désir ». Il interrompt ses études pour rejoindre une compagnie avec laquelle il anime un petit théâtre de cinquante places dans la banlieue stéphanoise. Entre petits boulots et palabres nocturnes où l’on rêve de théâtre en majuscule, ce sera une bonne dizaine d’années d’expériences « tout terrain et sur le tas ». Cette « galère joyeuse » est l’enthousiaste charnière qui relie les jeux amateurs du gamin de huit ans, - qui s’inventait des mondes en bricolant des spectacles de marionnettes et des films super huit -, et le jeune homme de vingt-huit ans qui décide de créer sa compagnie afin d’assouvir sa passion pour les athlètes du verbe qui bousculent le langage pour mieux bousculer le monde.
« L’envie d’aller voir ailleurs, de ne pas rester enfermé dans une bulle aussi sympathique soit-elle » et la révélation lors de la lecture de Molloy de Beckett mettent le feu aux poudres du Théâtre de l’Incendie, appellation manifeste d’un artiste que la chronique, visant juste, qualifie « d’obsédé textuel ».
Virées littéraires et lecteur de fond
La manière obsessionnelle et boulimique qu’a Laurent Fréchuret de s’immerger totalement et absolument dans une œuvre pour en « dénicher les pépites théâtrales » est un tout ou rien qui relève du besoin d’absolu. « Lorsque je m’attaque à un auteur, j’ai besoin de le lire de manière exhaustive, de voyager dans la totalité de son œuvre et de sa vie. Ce n’est sans doute pas la seule manière d’approcher un auteur, mais moi, il faut que je le dévore des pieds à la tête. » Beckett, celui « qui a totalement changé ma vie », sera le premier repas de l’ogre ; « je lis les pièces, je les trouve bien, je lis les romans et j’ai un flash, je me dis c’est une parole musicale, qui s’incarne, se dit à haute voix et donne envie de jouer ». C’est donc l’œuvre romanesque qu’il décide de mettre en scène.
Laurent Fréchuret, sous ses airs nonchalants de Petit Poucet rêveur, cache l’obstination du passionné qui jamais ne désarme. Il bataillera de longs mois avant d’obtenir de Jérôme Lindon, alors exécuteur testamentaire de l’œuvre de Beckett, le droit de porter à la scène, en 1997, La Trilogie (Molloy, Malone meurt, L’Innommable). Entre temps, le nageur de fond littéraire avait plongé dans Lewis Carroll (Alices 1996). En 1998, pour « saisir Cioran dans toute sa dimension et ses contradictions », il avale quelque quatre mille pages de l’essayiste roumain. Digestion et coups de ciseaux avec pour fil conducteur les insomnies de l’auteur et c’est, tels des coquelicots surgis d’un champ de blé, onze comédiens qui s’envoient et s’échangent les aphorismes et les pensées nocturnes de Cioran.
Ruminer sur L’Inconvénient d’être né n’empêche pas d’être joyeusement roboratif, en tout cas le spectacle l’est et les Parisiens ont pu le vérifier lors de son escale au Théâtre de la Cité internationale. L’année suivante, ce sera 50 comas, résultat d’une virée dans le chaos des vingt-huit volumes d’Antonin Artaud, suivi d’une autre dans le verbe halluciné de William Burroughs Interzone (2001). En 2003, pour clore la résidence de sa compagnie à Villefranche-sur-Saône, il arpente l’œuvre de Pier Paolo Pasolini.
Un théâtre populaire pour des inventeurs de mots
Pressé de dire pourquoi, Laurent Fréchuret répond, parce que justement il s’agit d’eux, « tous frères d’une même famille, celle des inventeurs de mots et de mondes, qui font de leurs écrits, de leurs paroles, les outils du bouleversement ». Autant de paroles d’une même résistance à tous les formatages qu’il entend propager tel l’incendie, par le plaisir d’un théâtre populaire qui marie les arts frères. « J’ai fondé la compagnie avec pour projet central le poème et la voix humaine, avec l’envie de faire théâtre de tout et avec tous les autres, chorégraphes, danseurs, vidéastes et musiciens car je suis très attaché à l’apport de la musique. »
Il pourrait ajouter que le petit garçon, initié aux arts plastiques par un oncle conservateur de musée, ne cesse de regarder par-dessus l’épaule du metteur en scène et marque de son empreinte la réalisation de ses spectacles. Chacun d’eux est chaque fois un nouveau territoire de partage, « le théâtre est un art collectif qui permet d’inventer ensemble » donc de créer chaque fois « une petite démocratie autour d’un poète ».
Sartrouville, de nouveaux rêves
Artiste en résidence au Théâtre de Villefranche-sur-Saône il a pu pendant six ans expérimenter de façon concrète l’outil théâtre et sa relation au public. Stages, animations dans la variété de l’éventail social d’une population, ateliers avec les enfants, le troisième âge, etc., ont été une fructueuse propédeutique au travail d’implantation qui l’attend aujourd’hui au Théâtre de Sartrouville où il se sent en osmose avec l’équipe. Faute d’avoir des souvenirs en commun, c’est sur les interrogations et les rêves qu’ils se retrouvent, unis par le même souci de cet autre, ce solitaire que l’on nomme « spectateur ».
Reine Blanche, Paris
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Promis à Dieu, un jeune séminariste sent naître en lui le double feu du désir et de la poésie. Alors commence un jeu vertigineux…
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Théâtre de Châtillon, Châtillon
Théâtre du Rond-Point, Paris
Théâtre Le Public, Bruxelles
Théâtre du Rond-Point, Paris
Théâtre du Rond-Point, Paris
Théâtre de Sartrouville et des Yvelines – CDN , Sartrouville
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