Présentation
Luvre à faire
Programmation
ERAC de Cannes
Ecole des Teintureries de Lausanne
Chacune des deux écoles préparent des objets courts à partir de textes très divers. Le programme de ces soirées sera composé de telle sorte que les deux écoles soient présentes à toutes les représentations. Les propositions, nombreuses, nécessitent une alternance, qui se décidera en fonction du travail de répétition, à lautomne. Travaux sous la direction dAlain Neddam (É.R.A.C.), de Jean-Philippe Guerlais et Gustavo Frigerio (École des Teintureries).
Bien souvent, lorsque les grands artistes parlent de leur travail, on est en présence dune pensée et dun artisanat : de problème très concret et de fulgurance intellectuelle. Pensons à Van Gogh, à Cézanne, à Léger, à Glenn Gould, à Jean-Luc Godard...
Cest le rapport dune uvre au travail, dune pensée sans la glose.
Loccasion est présentée de parler de luvre dans cette approche concrète aujourdhui où luvre dans sa pérennité nest plus un souci partagé. La rencontre de tels textes peut être pour des jeunes acteurs, très forte. Cest pourquoi je sollicite deux écoles : lÉcole des Teintureries à Lausanne, lécole de Cannes.
Nous ouvrirons avec Fernand Léger, nous finirons avec Gilles Deleuze dont les dialogues sont un art très singulier placé sous le signe du charme. Gageons que ce sera simple, simplement vivant.
J.-M. H.
Premier programme
les 21, 24, 28, 30 novembre et 2 décembre à 19 h 30
ÉRAC de Cannes, travail sous la direction d'Alain Neddam : Alberto Giacometti, Diane
Arbus
École des Teintureries de Lausanne, travail sous la direction de Gustavo Frigerio : John
Cassavetes
Deuxième programme
les 22, 29 novembre, 1er décembre à 19 h 30, le 26 novembre et 3 décembre à 15 h 30
ÉRAC de Cannes, travail sous la direction d'Alain Neddam : Andreï Tarkovski
École des Teintureries de Lausanne, travail sous la direction de Jean-Philippe Guerlais :
Bram Van Velde
Intégrale le samedi 25 novembre à 19 h 30
ERAC de Cannes
Travail sous la direction d'Alain Neddam Paroles d'artistes : Alberto Giacometti,
Diane Arbus, Andreï Tarkovski
A travers leur journal de travail, leurs écrits, trois artistes du monde de l'image - un
sculpteur et peintre, une photographe et un cinéaste, parmi les plus reconnus dans leur
art, racontent avec leurs mots simples et puissants l'exigence du travail créateur (et la
solitude qui en découle parfois).
Parallèlement, ils affirment leur besoin éperdu de rencontrer l'autre, d'échanger avec
lui les mots et les actes du quotidien : le bonheur d'entrer en contact véritable avec
son modèle et de vivre cette rencontre comme un échange profond ou de raconter des
histoires qui puissent atteindre le spectateur et le bouleverser.
C'est une quête d'absolu, énoncée par des artistes insatiables et modestes, qui nous
invitent à assister au labeur artisanal du geste de l'artiste, loin des discours savants
et abstraits des critiques d'art et des commentateurs professionnels.
Alain Neddam
Ecole des Teintureries de Lausanne
Bram Van Velde
Travail sous la direction de Jean-Philippe Guerlais
- Je n'aime pas parler. Je n'aime pas qu'on me parle. La peinture, c'est du silence.
- Dire le rien, la misère.
- Il faut tenir jusqu'à la fin, sans faiblir.
- Je ne peux rien dire, rien expliquer. La toile ne vient pas de la tête, mais de la vie.
- Un peintre, c'est celui qui voit. Je peins le moment où l'on va, où l'on va voir. Et
pour le spectateur, c'est la même chose. Lui aussi, en abordant la toile, va vers une
rencontre. La rencontre de la vision.
- La peinture ne m'intéresse pas.
- Ce que je peins est en dehors de la peinture.
- Je suis sans pouvoir, sans moyen. Chaque fois, c'est un bond dans le vide ; je vais
au-devant de l'inconnu.
- On ne se sait pas ce que ça peut être que d'avoir à couvrir une surface avec des
couleurs.
- Je ne cherche pas à avoir un langage compréhensible. Mais mon langage est vrai.
- Dans chaque toile, il y a une telle souffrance.
- Quand je revois une toile récente, la souffrance qui s'y trouve, c'est à peine
supportable.
- La peur a joué un grand rôle dans ma vie. Elle peut être une lumière. La peur est
liée à la peinture, elle vient de l'invisible.
- Quand l'oeil une fois a rencontré l'horreur, après, il sait la voir partout.
Bram Van Velde
John Cassavetes, à l'heure de la sensation vraie
Travail sous la direction de Gustavo Frigerio
(...) La caméra cherche à saisir les métamorphoses minuscules et subtiles du
comportement humain qui font de nous ce que nous sommes. Je me refuse, comme je refuse à
mes personnages, l'abri confortable de la psychologie, que ce soit en terme de motivation
ou d'analyses des personnages... C'est le public qui doit juger.
Quand je travaille à un film je m'interdis toute opinion ; d'ailleurs, je n'en ai aucune.
Je ne veux qu'enregistrer ce qu'on dit, ce qu'on fait, en intervenant aussi peu que
possible, ou, en tout cas, en essayant de ne jamais filmer de l'intérieur, si je puis
m'exprimer ainsi.
Je crois que ce qu'il y a de plus incroyable dans le cinéma, ce n'est pas le film
lui-même, mais les conditions de travail. C'est moins le travail qu'on fait que les
rencontres et les personnes avec qui on doit bosser - on s'amuse ou on souffre avec eux -
qui rendent le film important à nos yeux. Les films ne sont pas importants pour moi. Les
gens le sont beaucoup plus : ceux qui travaillent avec moi, et moi aussi, nous sommes tous
à la recherche d'une sorte de vérité personnelle, la révélation de ce que nous sommes
vraiment, mais sans prétention... Il faut se dévouer à ceux qu'on filme, aux
personnages qu'on a choisis. Faire des films, c'est en fait du plaisir à l'état pur...
Il faut s'amuser et être dégagé...
Ne parler que du film et encore du film et aller jusqu'au fond du film, et en rire, le
dénigrer, en bref le traiter comme une personne (...)
(...) Je n'ai pas décidé d'être indépendant, mais j'aime être mon propre patron. Je
n'ai aucun respect pour ceux qui réclament la liberté sans la vouloir vraiment. Qu'on
soit peintre ou architecte, on ne peut pas combattre le système. À mon sens si vous
combattez le système, c'est que vous voulez en faire partie. C'est pourquoi il est très
important de faire ce dont on a envie, d'être assez impliqué dans son travail. On a un
certain désir de faire un film, quand on commence à le mettre en forme, on ne se donne
aucune limite et on est vraiment prêt à mourir pour le film qu'on prépare. ça paraît
complètement dingue. Avec une telle attitude, en prenant les choses comme ça, un homme
peut traverser la vie en utilisant le meilleur de lui-même, il fait vraiment quelque
chose de sa vie. Tout ce qu'il faut savoir, pour faire un film, c'est qu'il ne faut pas
avoir peur de rien ni de personne ... De toute façon, j'ai toujours pensé qu'il vaut
mieux travailler dans l'art qu'à l'usine. (...)
John Cassavetes
76, rue de la Roquette 75011 Paris