On n’écoute pas impunément La Ballade de la geôle de Reading. Elle m’a bouleversée adolescente alors que mon père la lisait simplement à voix haute dans la prose rythmée de la première traduction française, approuvée par Wilde lui-même. J’y entendais au moins la véhémence et la pitié, j’en comprends mieux aujourd’hui la part de plaidoyer en faveur d’une réforme pénitentiaire et la réflexion sur la peine de mort dans l’Angleterre victorienne. Si la seconde est abolie, la prison demeure un lieu de malheur.
Le poème de Wilde est plus encore : une méditation, très circonstanciée et actuelle à la fois, sur la vie, la mort, l’amour, une Passion, et, comme le dit Henri Davray, une « sombre rêverie entrecoupée et furieuse qui met en scène un drame, le vrai drame de la Ballade : non pas l’histoire, en tant que récit, du soldat ivre qui fut pendu pour avoir tué sa femme, mais celle, d’entre les âmes en peine qui tournent autour de la cour de la prison, pour qui la pendaison d’un homme a le plus de signification ».
Notre mise en espace veut donner corps et lumière aux mots, aux voix, à la compassion comme à l’angoissante énergie du texte. L’auteur le souligne lui-même : « Le poème souffre de la difficulté que présente un style hybride. Une partie est réaliste, l’autre romantique ; une partie est poésie, l’autre est propagande. Je m’en rends vivement compte, mais en somme je crois que le résultat est intéressant. »
Céline Pouillon
La Ballade de la geôle de Reading, précédé de Poèmes, est paru aux éditions Gallimard, Paris, 2005, collection « Folio ». Traduction de Henri-D. Davray
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