Après Vivipares (posthume), brève histoire de l’humanité présenté en 2016 au Théâtre de la Bastille, nous retrouvons Céline Champinot et son équipe féminine : un second round sur la même lancée, une suite attendue.
S’inspirant très librement de la Bible, elle met en scène cinq jeunes Guides de France à la sortie du catéchisme, indignées contre le Ciel. À la fois trop haut et trop vide, cet ami traître n’entend plus se soucier de la catastrophe annoncée que nous sommes devenus : des petits colons possesseurs de la nature. D’une verticalité toute spirituelle et politique, l’écriture de Céline Champinot fait jouer, crier et chanter haut le verbe. Son univers à la poésie foutraque se traduit sur scène par tout un tas d’objets et d’idées, un terrain de jeu ludique pour mieux faire entendre la multiplication des sens de cette histoire de fin d’un monde.
Elsa Kedadouche
Dans la poursuite de ma démarche d’écriture par analogie, glissements de sens, glissements de terrain, les espaces et objets que je sollicite au plateau jouent des rôles comme les actrices.
Une « fiction-châssis » sert de base à la mise en scène du projet, elle est indépendante du texte et, en se conjuguant avec lui, elle nous permet de créer des espaces où se déploie la pensée.
La dimension plastique du projet, la scénographie et les costumes s’imaginent à partir d’objets manufacturés de notre quotidien ainsi qu’en considérant les infrastructures qui nous contiennent.
Voici notre fiction de mise en scène : à la sortie du catéchisme, cinq jeunes scouts d’Europe, pétris de culture biblique mais aussi de films de science-fiction et de politique internationale telle que la télévision grand public en diffuse, se retrouvent sur le terrain de jeu multisport du quartier pour régler leurs comptes avec le Créateur. Les zones tracées au sol, chaises d’arbitre, tipi d’extérieur et autres filets à grimper se feront vaisseau spatial, bases militaires, miradors et zone frontière.
Du grillage de terrain de sport à celui du check-point, grillager c’est toujours grillager.
Le scout s’incarnant habituellement en petit colon d’espaces naturels sera confronté à un espace urbain dénaturé. Les perceuses-visseuses électriques remplaceront son fidèle Opinel et différents objets lumineux lui tiendront lieu de feu de camp. Chaque scout sera l’artisan de son propre costume, à partir d’objets apportés dans son sac à dos et glanés le plus souvent dans le garage et les placards de ses parents (vêtements de sport, de soudure, bijoux, déguisements, etc.).
Ils auront évidemment à leur disposition les nécessaires textiles et fanions brodés aux couleurs des scouts d’Europe.
Ces jeunes s’appellent Richard, Philip, David, Sara et… on ne connaît pas le prénom du scout de couleur qui joue Pharaon. Richard joue Richard Coeur de Lion, président Républicain ; Philip joue Philip K. Dick, un robot androïde ; David joue David Xiaoping, l’inventeur des robots humanoïdes ; Sara joue la reine des robots gynoïdes ; Pharaon joue Pharaon.
La langue étant particulièrement musicale, la direction d’acteur sera très précise, rythmée, proche d’un travail de chanteur.
La première partie s’adressant au Ciel, elle sera traitée comme une chanson de gestes futuriste, chantée pour un Dieu éternellement absent par des frères chevaliers incertains et violents.
Elle sera comme un cri à la ville, au désert, aux cieux, à la lumière. Un hurlement qui parle du futur à travers la gorge de prophètes insomniaques.
Les différents chants polyphoniques de la pièce participeront à la musicalité globale de ce travail. Les actrices travailleront à combiner une précision quasi-chirurgicale dans la langue parlée et ses inflexions avec une démesure ludique s’approchant au plus prés d’une sensation d’improvisation lorsque la machine à jouer fonctionne à plein régime.
Céline Champinot
76, rue de la Roquette 75011 Paris