Nous sommes en Illyrie, pays de légende propice aux rêves les plus insensés et aux passions les plus dévorantes. Dernière comédie lyrique de Shakespeare, La Nuit des rois nous entraîne dans le tourbillon effréné des passions amoureuses. Chants, danses, débauches, cris et duels s’entrelacent et rythment tout du long cette quête amoureuse.
Une jeune femme sort de la mer. Elle s’appelle Viola. Elle vient de perdre son frère jumeau au cours d’un naufrage. Dans le pays de fantaisie où elle échoue, elle se travestit en homme, cela sans aucune raison si ce n’est celle, secrète, de faire revivre ce frère aimé. Sous le nom de Césario, elle entre au service d’un homme mélancolique, éperdument amoureux d’une autre jeune femme, Olivia, elle aussi en deuil d’un frère. Césario tombe sous le charme de son maître, tandis qu’Olivia s’éprend de Césario. Une suite de malentendus, de quiproquos et de méprises s’ensuivent nécessairement. Dans ce jeu de doubles et de reflets, où la raison et la déraison, la farce et la gravité semblent se répondre, l’amour passionné de Viola pour son maître Orsino pousse la pièce en avant. Un amour profond éprouvé par un être trouble, troublant, tendu entre le féminin et le masculin. Reconstituant l’être humain dans son entière vérité, Viola lutte contre la mort qui lui a volé son double, ce frère jumeau qu’elle veut faire revenir à la vie.
Les personnages de La Nuit des rois sont abandonnés à des forces inconnues, incompréhensibles. L’amour lui-même est plein d’erreurs et d’errements. Aveugles, ballottés, capricieux et même cyniques, ils voient ce qui n’est pas et sont ce qu’ils ne sont pas. Le monde étant ce qu’il est, les comédies de Shakespeare sont toutes un peu tristes. Mais cela n’exclut pas le rire et le divertissement. « Il pleut tous les jours ! Le monde est vieux ! » nous chante le bouffon à la fin de la pièce. « Mais heureusement, le théâtre est là ! »
Jean-Louis Benoît
Traduction Jean-Michel Déprats.
Place Jacques Brel 78505 Sartrouville