Ce que raconte la pièce
Buvez la vie ! buvez le monde !
Reviens François
Un aventurier de la connaissance
Un chaos très nécessaire aujourd'hui
La Très mirifique épopée Rabelais est une pièce d’aujourd’hui, un grand divertissement en deux parties, une fête théâtrale avec chansons, librement tirée des cinq livres de François Rabelais publiés entre 1532 et 1564, les quatre premiers de son vivant, le cinquième après sa mort. Une cinquantaine de personnages gravitent autour des deux héros principaux : Gargantua, puis Panurge.
La pièce s’ouvre sur la merveilleuse nativité de Gargantua qui vint au monde par l’oreille gauche de sa mère, Gargamelle. Puis elle suit les différentes étapes de l’éducation de Gargantua au cours desquelles Rabelais s’élève contre les pédagogues castrateurs et rêve pour les enfants d’un épanouissement harmonieux ducorps et de l’esprit.
Cette première partie raconte quelques-uns des hauts faits de Gargantua : comment il vola les cloches de Notre-Dame, tailla en pièces, avec l’aide de Frère Jean des Entommeures, les armées de Picrochole, et fonda une abbaye révolutionnaire dont la seule règle était : Fais ce que voudras.
Comme Ulysse, nous nous embarquerons ensuite sur des océans inconnus avec Pantagruel, fils de Gargantua, Panurge et leurs compagnons. Voyage initiatique au cours duquel ils font se noyer les moutons d’un marchand mal embouché, échappent à une tempête, entendent des paroles gelées, combattent une baleine, découvrent des créatures fabuleuses, fuient les oiseaux à mitres de l’Île Sonnante, brûleurs d’hérétiques et fauteurs de guerres saintes.
Au terme de leur quête, ils descendront sous terre où la très belle et riante Bacbuc, l’oracle de la dive Bouteille (divine bouteille) donnera enfin réponse à toutes leurs questions.
Le premier enjeu de La Très mirifique épopée Rabelais est de faire entendre, chanter, vibrer notre langue à sa naissance, en cet instant magique où Moyen-Âge et Renaissance se chevauchent et enchevêtrent leurs richesses contradictoires.
Rabelais fait son miel de tous les langages, du plus populaire au plus savant, les prend à bras le corps et se les mélange dans un grand éclat de rire : le haut et le bas, l’étron et l’étoile, la rue et la Sorbonne, les farces du carnaval et la quête spirituelle. Il nous appelle à redonner couleurs et vitamines à cette langue française qui perd chaque jour un peu de ses forces, à la réinventer, la faire danser, jouir, à la rendre libre, désirable, juteuse, joyeuse, métissée, ouverte à tous les vents.
Le deuxième enjeu de ce spectacle est de raconter une grande épopée populaire, dans la ligne de Graal-Théâtre, des Trois Mousquetaires, de Fracasse ou de Une Anémone pour Guignol, ces autres créations de la Compagnie Marcel Maréchal qui plongent leurs racines dans la mémoire des peuples. Cette oeuvre est une fête de l’imagination. Mais aussi un voyage initiatique, une quête de la connaissance, aussi universelle que celle d’Ulysse ou du Graal. Un voyage où le vin devient métaphore, symbole dionysiaque et christique, signe du lien culturel, quasi religieux, qui unit l’homme à ses racines. Et l’apparition de la dive Bouteille, au terme de l’épopée, sonne comme un hymne mozartien à la vie, à la fraternité et à la connaissance spirituelle. Buvez la vie ! Buvez le monde ! nous dit Rabelais. Telle est peut-être la plus belle leçon de cette oeuvre.
Rabelais parle de nous. De notre temps. Ce temps où, comme au XVIème siècle, les idéologies s’effondrent alors même que l’homme part à la conquête de nouveaux mondes : hier la terre, aujourd’hui les planètes et le cyberespace. Ce temps - le nôtre - où l’on sent planer comme un retour à la censure et à l’ordre moral. On n’en finirait pas de relever tout ce qui renvoie à notre époque : lutte pour la libération des mots et des corps, contre toutes les censures, tous les « politiquement correct » ; recherche d’une pédagogie harmonieuse ; attaques contre les fanatismes religieux ; dénonciation des guerres de conquête... Il n’y a qu’un pas de Picrochole au Dictateur de Chaplin ou au Docteur Folamour de Kubrick.
Cette oeuvre est un combat. Sous le masque de la farce et du rire carnavalesque, Rabelais, en « aventurier de la connaissance » part en guerre contre les oppressions de son temps. Les pouvoirs religieux ne s’y tromperont pas, qui le condamneront.
Certes, peu de gens aujourd’hui lisent Rabelais. Cela rend notre spectacle encore plus nécessaire. Une langue qui se coupe de ses racines est comme une plante, elle meurt. C’est pourquoi, et tout en naviguant au plus près du texte original, nous avons pris le pari de faire de cette Très mirifique épopée Rabelais une fête théâtrale. Car Rabelais, lui, écrit pour tous les publics, et d’abord pour celui des foires, le public populaire. Alors tout devient simple et clair, et l’on prend le même plaisir à déguster cette langue drue et savoureuse que l’exilé à retrouver les accents oubliés de son pays.
François Bourgeat et Marcel Maréchal
Mon cher François,
L’époque est laide et vous nous manquez beaucoup. Il n’y a plus de géants comme Gargantua, mais seulement des nains, de minuscules homoncules gonflés de leur importance, prêts à éclater (…)
Vous n’avez rien tant chéri que la liberté, me semble-t-il. Dans la langue et dans l’imagination, dans l’esprit et dans la lettre. Vous avez libéré les mots et les corps. Vous avez tordu le monde, déformé le réel, grossi les images, outré les propos, exagéré sans arrêt. Vous avez mis de la liberté partout où régnait la servitude. Vous avez crié là on l’on murmure, vociféré où l’on chuchote, hurlé où l’on papote.
Vous avez convoqué rots et pets, vesses et vesnes, bran et pisse, là où les fausses politesses fomentent les vraies hypocrisies. Vous avez créé des géants, des fleuves, des montagnes, des épopées là où le plus grand nombre se contente de nains, de ruisseaux, de monticules et de faits divers. Vous avez fulminé contre ceux qui « matagrabolisent », c’est-à-dire contre tous ceux qui aiment fatiguer l’esprit avec de longues et impuissantes dissertations à propos de choses vaines et fumeuses. Vous avez manié la tempête, éveillé les furies, joué avec le feu, déchaîné les éléments. Et les petits esprits n’aiment que les petites choses ; ils ne sont grands que par la petitesse, qui, chez eux, est démesurée. Thélème n’est pas pour eux, bien sûr…
Michel Onfray,
Extraits d’un texte paru dans le Magazine littéraire (mars 1994)
(…) Maître François, qui parlait l’italien, le latin, le grec, l’hébreu, l’arabe et de nombreux patois, qui avait étudié la théologie, le droit, la médecine, l’architecture, la botanique, l’archéologie, l’astronomie, et se passionnait pour toutes les découvertes d’un siècle qui en était riche, a nourri le français de quelques 800 mots, verbes ou adjectifs - algèbre, bastion, frise, escorte, gymnastique, bénéfique, indigène, frugal, chahuter… - et de dizaines d’expressions comme « les moutons de Panurge », « prendre de la bouteille », « l’habit ne fait pas le moine », pour ne citer que les plus « célèbres » (un autre de ses mots).
Il a inventé l’anagramme, le calembour et la première contrepèterie « à Beaumont le Vicomte », le livre de poche et le pastiche. Outre Molière et Racine, il a inspiré les plus grands, La Fontaine (abondamment), Balzac, qui le parodiera dans ses Contes drôlatiques, Céline, Alfred Jarry, etc. Quant à Gargantua, Pantagruel et Panurge, ils ont fait le bonheur des illustrateurs, Gustave Doré en tête, avant d’orner les bistrots et les tavernes de France.
Par la faute de Ronsard, qui lui a consacré une fort méchante épigraphe, on l’a souvent assimilé à ses héros. À tort. Maître François n’était pas un bouffon obèse ni un moine paillard ou un ivrogne, mais un aventurier de la connaissance, curieux, sceptique, lucide, qui aimait rire et déguisait ses critiques en farces pour éviter le bûcher. Un insolent.
Véronique Maurus,
Rabelais l’insolent (extrait), Le Monde
Rabelais nous entraîne très loin, très en arrière, très en avant de notre actuel français littéraire plat, linéaire B, très loin de cette petite langue française guindée de la radio, qui est comme une petite-bourgeoise qui s’étrique, un pauvre idiome laïc, un espéranto de plus en plus étroit. Une langue qui perd au moins un son par jour, une langue de dictée, une langue pour des sourds, pour des chanteurs culs-de-jatte, pour des danseurs seulement bicordes : français civique, médiagogique, morse inodore plat. Une langue de sondés, de dicteurs dictés, de porte-parole, pas d’animaux comme on devrait. Car ce qu’il faut qu’on entende, quand on parle, c’est que ce sont encore des animaux qui parlent et que ça les étonne énormément. Il y a ça chez Rabelais, mais aussi chez La Fontaine ou Bossuet…
(…) C’est des paroles que nous prononçons, de la manière dont elles nous traversent, que tout dépend. Nous sommes dans les mots. Les mots sont, à la fois, la forêt où nous sommes perdus, notre errance, et la manière que nous avons d’en sortir. Notre parole nous perd et nous guide.
Rabelais mime la Bible et questionne la parole. Son livre est lumineusement incompréhensible. C’est un chaos très nécessaire aujourd’hui, où il y a un mystère de la langue qu’on voudrait nous enlever. Nous sommes faits pour être en animal, des fils du son, nés d’une parole, appelés à parler, des danseurs-nés, des appelants, et non des bêtes communicatives.
Valère Novarina,
Le Théâtre des paroles (extraits), P.O.L.
Le spectacle manque de rythme et de surprises; on s'attend à plus de joie exprimée. c'est un spectacle pour lycéens: Marcel maréchal n'est pas un metteur en scène mais un pédagogue. Les actrices manquent de concentration, erreur de casting pour pantagruel. Heureusement qu'il y a olivier bretman pour sauver le spectacle, en particulier dans la 2eme partie.
Le spectacle manque de rythme et de surprises; on s'attend à plus de joie exprimée. c'est un spectacle pour lycéens: Marcel maréchal n'est pas un metteur en scène mais un pédagogue. Les actrices manquent de concentration, erreur de casting pour pantagruel. Heureusement qu'il y a olivier bretman pour sauver le spectacle, en particulier dans la 2eme partie.
Parking de l'espace Rabelais 37500 Chinon