Guillaume Vincent était élève metteur en scène à l’École du Théâtre National de Strasbourg. C’est avec une toute jeune équipe issue du groupe XXXIV qu’il affronte aujourd’hui Marivaux et son théâtre de faux-semblants.
Chez Marivaux on le sait, tout est artifice ; le langage d’abord, si éloigné du langage parlé, les personnages ensuite qui font semblant de faire semblant et croient se cacher derrière leurs déguisements. Le déguisement justement est au coeur de la stratégie de cette jeune fille, qui d’abord travestie en chevalier pour mieux observer celui qui lui est destiné, découverte par les valets, se fait passer pour une suivante. Double déguisement pour elle donc, tantôt chevalier, tantôt suivante, bernée, maltraitée, elle va maltraiter à son tour et égaler Lélio son promis, en perversité. Elle qui n’a plus rien à perdre peut se perdre en entraînant les autres dans sa chute. Pas d’amour dans tout cela, mais de sombres calculs et le désespoir.
Guillaume Vincent a fait du déguisement une arme commune à tous les personnages. Nous sommes ici dans un rêve, un rêve enfantin et cruel.
« Ainsi, par ce mot de Monde vrai, c’est des hommes vrais que j’entends, des hommes qui disent la vérité, qui disent tout ce qu’ils pensent, et tout ce qu’ils sentent ; qui ne valent pourtant pas mieux que nous, qui ne sont ni moins méchants, ni moins intéressés, ni moins fous que les hommes de notre monde ; qui sont nés avec tous nos défauts, et qui ne diffèrent d’avec nous que dans un seul point, mais qui les rend absolument d’autres hommes ; c’est que, en vivant ensemble, ils se montrent toujours leur âme à découvert, au lieu que la nôtre est toujours masquée.
De sorte qu’en vous peignant ces hommes que j’ai trouvés, je vais vous donner le portrait des hommes faux avec qui vous vivez, je vais vous lever le masque qu’ils portent. Vous savez ce qu’ils paraissent, et non pas ce qu’ils sont. Vous ne connaissez point leur âme, vous allez la voir au visage, et ce visage vaut bien la peine d’être vu ; ne fût-ce que pour n’être point dupe de celui qu’on lui substitue, et que vous prenez pour le véritable. »
Marivaux, Journaux et OEuvres diverses,
Le voyageur du Nouveau Monde, éd. Garnier.
17, boulevard Jourdan 75014 Paris