Lieu : Théâtre de l'Idéa à Tourcoing.
En dépit de son titre macabre, la pièce raconte en une polyphonie tonique et enjouée qui s’étend sur plusieurs générations, la chronique d’un village français, ses petites histoires qui traversent la grande, les amours, les jalousies, les trahisons, les choses de la vie...
La compagnie L’Interlude T/O qui nous avait gratifiés d’une très belle adaptation musicale d’Inventaires de Minyana, retrouve sa résidence tourquennoise à l’Idéal pour y remettre en jeu sa singularité artistique de « théâtre-oratorio ».
Adaptation d'Eva Vallejo et et Bruno Soulier.
C'est en visitant un petit cimetière de la campagne française que m'est venue l'idée de construire une "polyphonie de l'au-delà" en redonnant la parole aux centaines de défunts enterrés depuis un siècle à Moret-sur-Raguse, village symbolique inventé de toutes pièces...
Mais avant d'en arriver là, j'ai fait un tour de France des nécropoles rurales et j'ai réuni un ensemble de noms aux consonances bien françaises afin d'exclure tout exotisme. Hormis la géographie, purement imaginaire, du village en question, tout ce que je raconte dans ma pièce est authentique, au détail près, petite histoire et grande Histoire entremêlées.
La mastication des morts est un "oratorio in progress". C'est un travail sur le nombre et la mémoire, la petite mémoire fragile d'une multitude de voix qui s'inscrivent dans l'histoire d'une communauté.
Il s'agit, dans l'accumulation des habitants du cimetière de Moret-sur-Raguse, d'entendre la singularité de chacun, sa langue propre qui, surgie d'outre-tombe, par-delà les corps, fait résonner en nous, morts en sursis, ces vivants d'un autre monde... De ce point de vue, La mastication des morts est une joyeuse tentative de réconciliation avec la mort que notre époque évacue systématiquement. Elle répond également au projet de Jean Genet d'un théâtre implanté au coeur même du cimetière et qui s'adresse à des gens capables, au plus profond de la nuit, d'affronter un mystère.
Les morts que j'arrache momentanément de l'oubli en les mettant en scène ne connaissent ni la résignation de la tristesse, ni la brûlure de la plainte, ni horreur ni extase, ni enfer, ni paradis.
Patrick Kermann
4, place du Général de Gaulle 59026 Lille