"Pour nous, le son est lié au sens. Déjà par sa résonance, le mot possède un sens." Eva Vallejo et Bruno Soulier
Avec la mort, la mémoire disparaît. Mais avec la disparition de la mémoire, n'est-ce pas la mort qui s'empare du vivant et engloutit sans même qu'il enprenne conscience des pans entiers de sa vie? Patrick Kermann considérait la perte de mémoire comme un des maux majeurs de notre époque.
Face à la succession rapide des événements, à l'accélération de l'Histoire et du flux des informations, le monde devient de plus en plus irréel. Dans La Mastication des morts, il donne la parole à des hommes et des femmes qui, enterrés dans le même cimetière, continuent de ressasser ce que fut leur vie, évoquant notamment les guerres du siècle dernier (1914-18, 1939-45, la guerre d'Algérie).
Un texte saisissant, non dépourvu d'ironie, dont Eva Vallejo et Bruno Soulier donnent une version vibrante sous la forme d'unoratorio théâtral. Construit comme une partition, mêlant étroitement théâtre et musique, ce spectacle nous fait entendre ces voix qui ruminent leur passé en accordant une très grande attention au son. Les mots "mastiqués " ne sont pas chantés mais scandés produisant un effet hypnotique, fascinant et envoûtant, nous entraînant avec eux dans ce que l'on pourrait définir comme une polyphonie de l'au-delà.
Je ne suis pas morte, je repose, nuance.
Un retour au pays, une visite au cimetière, des morts qui se mettent à se raconter, à râler, à invectiver le passant… jetant peu à peu une lumière singulière sur la vie d’un village tout au long de son histoire. La mémoire face à l’obsessionnel besoin d’actualité d’un monde contemporain. L’histoire, la nôtre, grande et petite, à travers les vies de celles et ceux qui se sont tus. Ce monde rural qui s’enfuit. Ce passé qui nous constitue, fonde notre identité. Ce théâtre qui fait parler les morts… Un choeur de quatre comédiens et trois musiciens se fait ici l’écho de tout un village. Mémoire de ceux qui se sont tus.
Depuis 1994 l’Interlude T/O organise sa démarche autour d’une devise : “par le mot et le son, parler de l’homme aujourd’hui, de ce qui fonde son identité”, sous la forme de spectacles associant le plus étroitement possible musiques originales et textes contemporains.
Par la musique conduire au théâtre, par le théâtre conduire à la musique, dans des créations où gestes, notes et verbe se répondent comme s’accompagnent et se soutiennent, présents toujours sur scène, comédiens et musiciens. C’est par cette recherche d’un théâtre qui se souviendrait de ses origines que l’Interlude T/O veut parler de l’homme contemporain en allant vers un théâtre/oratorio où voix parlée et musique deviennent un seul et même chant.
"Ceux qui me lisent disent de mes textes qu’ils sont morbides, ils tournent tous autour de la mort comme autour d’un soleil étrange, mais il y a dans ma pièce (qui d’ailleurs n’en est pas une) une grande joyeuseté, une formidable gaieté de tous ces morts réconciliés." Patrick Kermann
Adaptation d'Eva Vallejo et Bruno Soulier.
Notre époque est en train de perdre la mémoire à toute vitesse. Face à l’accélération de l’histoire et de l’information, les événements du monde n’ont presque plus de réalité, de durée, de mémoire. Ils se succèdent si vite qu’ils n’ont même plus le temps nécessaire pour s’inscrire en profondeur dans notre conscience et, plus grave encore, dans notre inconscient. Comment voudrions-nous qu’ainsi “déréalisés” et broyés, ils fassent mémoire ?
La mastication des morts est un oratorio bâti sur le nombre et la mémoire, la petite mémoire fragile d’une multitude de voix qui s’inscrivent dans l’histoire d’une communauté. Il s’agit, dans l’accumulation des habitants du cimetière de Moret-sur-Raguse, d’entendre la singularité de ces vivants d’un autre monde où chacun a sa propre langue. Chacun de ces morts a sa langue propre, sa rhétorique spécifique. L’ensemble de ces formes d’expression accumulées constitue une vaste interrogation sur la langue, sur ce qu’il reste d’une langue incarnée, individualisée lorsque l’Histoire est passée par là.
Depuis les grecs anciens jusqu’à nos jours, en passant par Shakespeare où les spectres ne sont pas en reste, le théâtre est, par essence, un art de la mort, un art de faire parler les morts. Il est tout à la fois dévoilement et masque. Ajoutons à cela l’acteur qui meurt en scène tous les soirs, la représentation, éphémère par définition, et la mémoire du spectateur, non moins éphémère. Fragilité de la mémoire vivante !
De ma première pièce The great disaster à la dernière en cours, je ne cesse de donner la parole à ceux qui sont morts. La question de la Shoah n’est sans doute pas étrangère à ce fait. Elle constitue selon moi, le noyau dur et secret de mon écriture. Que peut-on écrire après une coupure historique et philosophique aussi radicale, aussi irréconciliable ? Quelles formes sont encore possibles? Quelles figures inventer ? Moi, j’ai choisi de faire parler les morts.
Patrick Kermann
Un beau texte, de l'humour, de la musique, et des bons acteurs (particlièrement un qui est excellent dans chacun des rôles qu'il incarne). Tout ceci avec une mise en scène qui nous fait pénétrer dans cet univers particulier. Loin d'être morbide, cette pièce ose traiter d'un sujet encore rare au théâtre.
Un beau texte, de l'humour, de la musique, et des bons acteurs (particlièrement un qui est excellent dans chacun des rôles qu'il incarne). Tout ceci avec une mise en scène qui nous fait pénétrer dans cet univers particulier. Loin d'être morbide, cette pièce ose traiter d'un sujet encore rare au théâtre.
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