Fable autour de Molière
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Trois questions à Éric Louis
« Jusqu'au bout du jeu »
La presse
Un tréteau, deux accessoires, trois bouts de planche, quelques costumes au décrochez-moi-ça, mais surtout une douzaine de comédiens qui se connaissent à fond, habités par une intelligence totale des textes, et quels textes ! Trois étapes marquantes dans la trajectoire artistique de Molière, que les interprètes de la compagnie La Nuit surprise par le Jour prennent d'assaut : d'abord la prose narquoise des Précieuses, puis les rigoureux alexandrins du Tartuffe, pour finir par le feu d'artifice musical et verbal, joué-chanté-dansé, du Malade imaginaire.
Une nouvelle fable se crée ainsi sous les yeux du public, celle d'une troupe qui s'invente et se développe dans et par le théâtre de Molière. Un festival scénique qui triompha tout au long de sa tournée, un marathon de fantaisie, d'engagement et de générosité jaillissante, à voir en trois soirées ou en intégrale. Le théâtre en fête, l'art des apparitions, y proclame haut et fort sa vocation à dévoiler les apparences, à dénoncer tous les snobismes, à soumettre hypocrisie et prétention à l'épreuve imparable du ridicule.
Avec les musiciens Paul Breslin et Issa Dakuyo.
Les Précieuses ridicules : durée 1h30, représentations du 9 au 12 octobre à 20h.
Le Tartuffe : durée 3h20 entracte inclus, représentations du 16 au 19 octobre à 20h.
Le Malade imaginaire : durée 4h entracte inclus, représentations du 23 au 26 octobre à 19h30.
Intégrales les samedis 13, 20 et 27 octobre à 13h30 :
Les Précieuses Ridicules : 13h30-15h
Tartuffe : 15h30 - 18h45 (avec entracte)
Le Malade Imaginaire : 20h-23h45 (avec entracte)
La Nuit surprise par le Jour est-elle une troupe, une compagnie, un collectif, une utopie ?
On est en questionnement perpétuel par rapport à La Nuit surprise par le Jour, comme on l'est par rapport à notre travail. C'est très difficile de lui donner un nom, car les noms comme « troupe » ou « collectif » ont des significations dans l'histoire du théâtre qui ne nous correspondent pas. Au départ, La Nuit surprise par le Jour n'est pas faite pour exister de façon permanente. C'est un endroit de rencontre autour d'un projet, à un certain moment, pour défendre une espèce d'utopie. Mais comme les conditions de production sont de plus en plus dures, et aussi parce qu'on a évolué, on commence à penser à de la permanence, avec des
projets qui s'enchaîneraient un peu plus. Mais notre existence reste quand même uniquement liée à des projets.
Comment s'est constituée La Nuit surprise par le Jour ?
Il y a un noyau « historique », avec ceux qui ont travaillé à Chaillot, avec Stéphane Braunschweig, avec Gabily. Et il y a des gens qu'on rencontre sur des spectacles, dans des stages et qu'on sent capables de partager notre manière de travailler un peu particulière. Parce qu'on n'est pas seulement ensemble sur le plateau. On doit s'impliquer au-delà. Une aventure comme Le Bourgeois représente au moins un an et demi de vie. Ça engage plus que la part professionnelle de l'existence.
Il est très rare que les acteurs participent à toutes les étapes d'un spectacle. Vous pouvez expliquer le mode de fonctionnement de La Nuit ?
C'est assez difficile… On demande à tous (comédiens, créateur lumière, scénographe, créateur costumes…) d'être présents tout le temps en répétition pour pouvoir tout discuter ensemble, pour que chacun ait conscience de la totalité du projet, ait l'intelligence maximum de l'aventure. Mais on n'est pas exceptionnels, on a quand même des problèmes de gestion de groupe. On essaie simplement d'en avoir conscience et de les gérer tous ensemble. On fait dans la vie comme sur le plateau : on met les choses sur la table et on essaie de trouver des solutions. Au départ, on était élèves comédiens à Chaillot. Et on s'est rendu compte, quand on a commencé à travailler à l'extérieur, que la place du comédien est relativement stéréotypée : on lui demande d'être intelligent quand il est sur le plateau mais pas beaucoup plus. Seuls le metteur en scène ou le dramaturge sont conscients de l'ensemble du projet. C'est assez frustrant. Or quand on est porteur de l'ensemble du projet, on joue mieux, on trouve plus facilement sa place, on est plus impliqué, plus intelligent dans ses propositions. On est parti de ce constat.
Molière a toujours tenté de plaire au monarque absolu par le spectacle, qui seul justifie la puissance de la satire. Il y a ici de la farce, de la grande comédie en alexandrins, encore de la farce, de la comédie-ballet, toujours de la farce… Ces trois pièces ainsi ordonnées forment un cheminement de créations qui ne témoigne pas d'un progrès constant vers le haut comique et la gloire posthume, mais qui semble plutôt aller vers toujours plus de séduction, de divertissement, qui manifeste en tout cas une confiance dans le pouvoir du théâtre et qui, même dans ses égarements, dit la nécessité du jeu […].
D'autant que le jeu paraît finalement la seule morale de l'histoire. Si, comme il se doit à la fin de la comédie, l'ordre social se voit reconfirmé, ce n'est qu'au prix de trop visibles artifices, qui rendent assez vain son triomphe… Que nous reste-t-il au bout du parcours, à la fin du Malade imaginaire ? Ce que dit Béralde : «Tout ceci n'est qu'entre nous. Nous y pouvons aussi prendre chacun un personnage, et nous donner ainsi la comédie les uns aux autres. Le carnaval autorise cela. Allons vite préparer toute chose.»
Pas plus que dans les autres pièces, le malade n'est guéri. Tous en effet, et le bourgeois en particulier, sont aveuglés par la peur de leur condition humaine, peur de la mort. C'est là, peut-être, le rôle du comédien et de la comédie : rappeler que tout cela n'est qu'un jeu, puisque la guérison est illusoire. Reste donc la fête, avec tous, où chacun peut obtenir le plaisir de jouer […]. Notre fiction est donc celle d'une troupe allant jusqu'au bout du jeu, par laquelle Molière devient épique, non pas en tant qu'il raconterait une aventure, mais en tant qu'il est théâtre, pleinement, et que ce théâtre est une aventure.
Éric Louis
"(...) Les mots fusent bientôt, les rires aussi. Et c'est parti (...) une orgie de théâtre comme on les aime : généreuse, audacieuse, excitante.(...) Comme si le théâtre populaire avait trouvé ses habits neufs." Jean-Pierre Thibaudat, Libération, mars 2006
"Pari fou, pari gagné : dix heures de Molière à la suite, trois pièces (...) jouées sans coup férir par les mêmes neuf comédiens... [...] Pourquoi s'enfermer dix heures dans un théâtre ? Pas pour la performance, qui n'aurait aucun intérêt. Mais d'abord parce que l'épopée proposée par le metteur en scène Eric Louis et sa troupe en vaut la chandelle : Molière y retrouve une fraîcheur, une actualité, une jeunesse qu'on ne lui avait pas vues depuis longtemps." Fabienne Darge, Le Monde, 20 octobre 2007
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