« Si je vous ai réunis, c’est parce que nous avons tous quelque chose en commun. Moi, nous, tous, nous sommes seuls. »
Dans l’URSS des années 80, Pétouchok, un ingénieur d’une quarantaine d’années, vient d’hériter de la maison de campagne de sa grand-mère. Il y invite cinq personnes, plus ou moins proches. Un vieil homme, qui aima la grand-mère et fut aimé d’elle, vient les rejoindre.
Si Pétouchok a réuni ces invités-là, c’est parce que, dit-il, « nous avons tous quelque chose en commun. Vous êtes tous… chacun… moi, nous, tous, nous sommes seuls ». Ce dont il rêve, avec eux et pour eux, c’est d’« une vie en communauté constituée de gens adultes, libres : nous ne dépendons pas les uns des autres mais nous nous plaisons ensemble. Nous avons notre maison, nous y vivons. En communauté ».
Et chacun, au fil de bavardages en apparence décousus, de se révéler peu à peu, mais toujours pour exprimer sa solitude. Et chacun aussi d’en revenir à son passé, seul temps, semble-t-il, d’une existence réelle, qui pourtant n’apparaît comme telle qu’aujourd’hui, dans le souvenir, au moment où elle est révolue. « J’ai compris une chose, dit Pétouchok, il n’y a rien. Rien d’autre que ce qui existait avant ». Et Victor Slavkine de confronter le spectateur à des paradoxes : l’expression de leur inexorable solitude fonde la communauté de ces gens-là, moins passagère sans doute qu’ils ne le craignent d’abord. Le théâtre serait comme cette maison à la campagne, à la fois rêve sans espoir et réalité d’une communauté.
Cette pièce de Slavkine semble rouvrir, un siècle après, au terme de l’expérience soviétique, les portes et les fenêtres de La Cerisaie de Tchékhov : un monde s’achève, un autre est à inventer.
Traduction Simone Sentz-Michel (Editions Actes-Sud Papiers).
15, route de Manom 57103 Thionville