"Il n’y a pas besoin de sujet. La vie ne connaît pas de sujets, dans la vie tout est mélangé, le profond et l’insignifiant, le sublime et le ridicule." Anton Tchekhov
Résumé
A propos du Génie de la forêt
A propos de Tchekhov
La traduction
Toute une assemblée se réunit chez l'ingénieur Jeltoukhine pour célébrer son anniversaire : Serebriakov, un professeur émérite, sa jeune épouse, Elena Andreïevna, l'ex-beau-frère du savant, une veuve, quelques propriétaires et autres jeunes gens désœuvrés. Intrigues amoureuses, jalousies et désespoir agitent cette société désenchantée qui s'achemine peu à peu au bord du gouffre. Seul le médecin Khrouchtchev, que l'on appelle le Génie de la forêt, garde encore l'espoir de réveiller ce monde qui s'endort et se détruit. Mais celui qui protège la nature saura-t-il prendre soin des hommes ?
Anton Tchekhov écrit Le Génie de la forêt en 1889. Jeune médecin, il a alors vingt-neuf ans. À sa création, en décembre de la même année, la pièce est retirée de l'affiche après cinq représentations. Sept ans plus tard, Tchekhov reviendra sur cette œuvre de telle sorte qu'il en adviendra une nouvelle pièce, Oncle Vania. En France, longtemps la réussite de Oncle Vania nous a voilé celle de Le Génie de la forêt.
Ici, comme dans Ivanov et les grandes pièces ultérieures, l'intrigue qui passait inaperçue aux yeux des critiques de l'époque raconte en effet une histoire inattendue : celle de la progression inéluctable de tensions sur lesquelles les personnages n'ont aucune prise, parce qu'ils ne font preuve d'aucune vigilance à l'égard de ce qui se passe en eux et chez les autres. Cette incapacité totale, c'est le drame : les tensions montent à l'insu de tous, la simple altercation s'envenime et les entraîne à proférer des paroles assassines, à accomplir un geste fatal.
Ce que Roger Planchon nous dévoile, c'est que la pièce se déploie telle un roman du XIXème siècle.
Quiconque connaît Oncle Vania verra que L’Esprit des bois en est la première ébauche. Je dis « ébauche » bien qu’en fait il s’agit d’une pièce terminée et fort différente. Différente en quoi ? L’Esprit des bois est antérieure de dix ans à Oncle Vania et reflète un certain romantisme, celui du jeune Tchekhov. Ici Voïnitski se tue, alors que l’oncle Vania continuera, résigné, sa triste vie. Ici Sonia est belle et aimée, tandis que dans Oncle Vania on la verra laide et délaissée.
La mort de Voïnitski ne cause autour de lui aucun désespoir. Les amours si heureuses soient-elles en apparence demeurent précaires. Le présent n’est qu’un équilibre instable entre un passé assombri de regrets et un avenir lourd de menaces. Mais regrets et menaces sont doublés de promesses. Et si belle que soit la scène finale de Oncle Vania, plus belle est peut-être encore celle de L’Esprit des bois où dans un jardin, la nuit tombée, se célèbrent de doubles fiançailles à la fois joyeuses et infiniment nostalgiques. Il y a là une grâce qu’on ne retrouve guère que dans les comédies de Shakespeare.
Arthur Adamov
Les personnages de Tchekhov n’y vont pas par
quatre chemins : « Jour et nuit, comme un démon familier, vient
me hanter la pensée que ma vie est
irrémédiablement perdue. » Voïnitski
Ce ne sont pas des personnages de tragédie qui
parlent ainsi. Ce ne sont pas des héros lancés sur
une trajectoire par quelque inexorable passion.
Les personnages du théâtre de Tchekhov sont
des rêveurs, des distraits. Ils sont intelligents et
nous voyons toutes sortes de pensées et
d’émotion les assaillir, puis les quitter. Ce sont
des provinciaux qui ont réfléchi pendant des
années. Ils étouffent lentement.
Parfois l’ensemble de son théâtre me semble une
seule et même histoire qui se déroule en
province, dans une propriété menacée. Au milieu
de gens intelligents qui disent des choses
stupides et d’imbéciles à qui échappe parfois une
pensée profonde, se débat un être blessé à mort.
Quand le rideau se baisse, chacun reprend sa
place du début, à peine meurtri, vieilli, parce
qu’il faut bien recommencer à vivre, à attendre.
Roger Grenier
Dans l’oeuvre de Tchekhov passe un cortège d’esclaves, esclaves de leurs amours, de leur bêtise, de leur paresse ou avidité de bien-être, esclaves d’une peur obscure de la vie, vaguement troublés, remplissant leur existence de discours décousus sur l’avenir, parce qu’ils sentent qu’il n’y a pas de place pour eux dans le présent. Parfois, au coeur de cette masse grise retentit un coup de feu : c’est [un personnage] qui a compris ce qu’il avait à faire : mourir. Certains forment de jolis rêves sur la beauté de la vie dans deux cents ans, mais personne ne se pose cette simple question : qui donc la rendra belle, si nous nous bornons à rêver ? A côté de cette foule grise et ennuyée d’êtres impuissants, est passé un homme grand, intelligent, attentif. Il a jeté un regard sur ces mornes habitants de sa patrie et, déchiré de désespoir, sur un ton de doux mais profond reproche, il a dit avec un triste sourire, d’une belle voix sincère : « Que vous vivez mal, messieurs ! »
Maxime Gorki
Tchekhov est peu connu en France. Probablement parce que son oeuvre est moins immédiatement percutante que l’oeuvre de Gorki, par exemple, moins « sensationnelle ». Cela tient peut-être aussià ce que Gorki est actuellement plus international que Tchekhov. Le Héros de Gorki est toujours, ou presque toujours, un homme exceptionnel, extraordinaire, un homme imaginé, porteur d’une grande pensée, un être symbolique, tandis que le héros de Tchekhov… il n’y en a pas. Dans tout ce qu’a écrit Tchekhov, vous ne trouverez pas un seul héros. Pas de héros. Tout Tchekhov est là. Il nous montre la vie telle qu’elle est. Il nous parle de ces hommes, de ces femmes que nous voyons partout et toujours…
Dans l’immense Russie, il a su voir et comprendre tous ceux qui ne représentent rien d’extraordinaire, qui ne sont pas des héros, mais qui forment la Russie. Il allait dans les coins les plus perdus de la Russie et il regardait comment vivent là-bas les êtres humains, ce qu’ils font, ce qu’ils pensent. Et il nous raconte tout cela.
Que de forces, que d’amour, que de larmes et de souffrances il a trouvés dans ces endroits inconnus ! Mais cette force et cet amour ne font pas de grandes actions, ne forment pas des héros - non, tout reste là-bas, dans cette petite ville perdue, tout vit ignoré de tous, enseveli sous la neige, étouffé par la vie. Mais cela n’en existe pas moins. Et ces êtres qui souffrent, et qui aspirent, et qui auraient pu devenir grands, accomplir des actions héroïques, ces êtres ne sont-ils pas dignes aussi de notre attention ?
Ce sont ces êtres-là que Tchekhov a choisis pour nous les montrer, pour nous dire que ces inconnus de la grande vie qu’il a profondément aimés sont dignes d’être vus de plus près, que c’est peut-être, précisément, dans leurs âmes que nous trouverons la « vraie » beauté, le« véritable amour ».
Georges Pitoëff, 1939
Le titre de cette pièce a connu diverses traductions : Le Sauvage, L’Esprit des bois, Le Sylvain, etc. Mais la pièce oblige à prendre en compte deux aspects antagoniques de ce surnom donné au personnage-titre : d’une part le « bon génie », que tous ici apprécient pour ses nobles idées sur la préservation des forêts. Mais aussi le « mauvais génie », celui qui exaspère son entourage par ses discours pontifiants, celui qui est aveugle aux souffrances de son entourage, trop habitué qu’il est à se complaire au seul contact de la forêt, au détriment des hommes. Lui-même en prendra d’ailleurs conscience à la fin, quand il dira : « je ne suis qu’un génie de la forêt, je suis médiocre, minable, aveugle… » ou encore : « En chacun de vous il y a un génie de la forêt : il n’y a pas de gens qui pourraient nous faire sortir de cette forêt obscure… » « Génie » étant le seul terme qui puisse être qualifié de bon et de mauvais à la fois, c’est lui que nous avons retenu.
La deuxième contrainte vient de ce qu’il existe un seul mot en russe pour désigner la forêt et le bois, ce seul mot étant inclus dans le titre (russe) et repris maintes fois dans le texte. Il eût donc été bizarre qu’un génie … des bois, prît la défense des … forêts. Or, on est obligé d’opter pour le terme forêt qui est le seul qui soit approprié pour évoquer la terminologie « géopolitique » du médecin : on détruit les forêts, on parle de protection des forêts, de déforestation, etc. On peut juger qu’il s’agit là d’une broutille, mais, dans le théâtre de Tchekhov, tout repose sur une fine mosaïque de broutilles. Le lexique de ses pièces ne comporte que des mots simples, courants, ordinaires. La recherche n’est donc pas, pour Tchekhov, dans le mot rare ou savant, argotique ou grossier, mais dans l’agencement subtil de ces mots simples qui se répètent et circulent, d’un personnage à l’autre, de scène en scène, comme autant d’obsessions, de tics, de rengaines et de « radotages » exaspérants et révélateurs.
Simone Sentz-Michel
Un spectacle....spectaculaire!!! Dans un mouvement rapide et vif des personnages se mêlent émotion, réflexion, rires...pièce complète malheuresemnet peu connue... Des acteurs de talent, une mise en scène extraordinaire, des costumes originaux et un décor (entre classique et contemporain) somptueux nous fait oublier pendant 3h30 le monde qui nous entoure et nous transporte dans un autre univers...bref tous les ingrédients pour un excellent spectacle! A voir et à revoir (heureusemnet qu'il y a prolongation...) et surtout un excellent moment!
Un spectacle....spectaculaire!!! Dans un mouvement rapide et vif des personnages se mêlent émotion, réflexion, rires...pièce complète malheuresemnet peu connue... Des acteurs de talent, une mise en scène extraordinaire, des costumes originaux et un décor (entre classique et contemporain) somptueux nous fait oublier pendant 3h30 le monde qui nous entoure et nous transporte dans un autre univers...bref tous les ingrédients pour un excellent spectacle! A voir et à revoir (heureusemnet qu'il y a prolongation...) et surtout un excellent moment!
59, boulevard Jules Guesde 93207 Saint-Denis
Voiture : Depuis Paris : Porte de la Chapelle - Autoroute A1 - sortie n°2 Saint-Denis centre (Stade de France), suivre « Saint-Denis centre ». Contourner la Porte de Paris en prenant la file de gauche. Continuer tout droit puis suivre le fléchage « Théâtre Gérard Philipe » (emprunter le bd Marcel Sembat puis le bd Jules Guesde).