Pour entrer au coeur de la guerre, quoi de mieux qu’un théâtre des opérations ? Le spectacle est introduit par un prologue sous forme d’installation. Cette installation se déploie sur plusieurs espaces, sur scène et dans la salle. Le spectateur peut y circuler librement pendant une vingtaine de minutes.
Le dispositif propose différents plateaux, constructions plastiques et visuelles (projections, espaces sonores, oeuvres plastiques) et l’intervention de comédiens dans de micro-sformes théâtrales. Il s’agit d’inviter les spectateurs au coeur de différentes machines de guerre.
Je ne choisis pas les figures qui s’imposent à moi pour créer mes spectacles. Elles surgissent comme une évidence. Fictives ou réelles, certaines viennent des pays que j’ai traversés, d’autres, de mon adolescence, où j’ai eu l’intuition que les figures de l’insoumission nourriraient ma recherche artistique.
Penthésilée dessinée par Heinrich von Kleist en est une.
Chef de l’armée des amazones, irréductible aux règles de la guerre imposées par les hommes, Penthésilée conduit ses guerrières sous les murs de Troie. Comme un torrent venu « d’ailleurs », elle renverse tout sur son passage, au grand dam des commandants grecs et troyens qui n’y comprennent rien. Mais incontrôlable, assoiffée de liberté, Penthésilée refuse aussi la loi arbitraire de son propre peuple qui, pour « raison d’état », lui interdit de choisir l’homme qu’elle désire.
J’entends un écho qui traverse le temps entre Penthésilée et d’autres femmes surgies des luttes armées des années 70 ou des révolutions plus récentes qui ébranlent l’ordre mondial. Cet écho se nomme désobéissance. Par leurs gestes extrêmes, propres à chacune, par l’utilisation de la violence pour certaines, la subversion qu’elles incarnent s’apparente à une force infinie qui naît de la protestation. Avec Penthésilée, elles défient toutes les lois de représentations du genre féminin, au théâtre comme à la bataille.
Laissons-nous conter le poème de Penthésilée, et, dans l’interstice, laissons apparaître les silhouettes de celles qui, dans la réalité de notre monde, ont choisi de ne plus obéir.
Le Projet Penthésilée s’est construit en plusieurs escales en France, en Afrique, au Moyen-Orient et aux Caraïbes. Des artistes venus de différents pays y participent.
« La scène est un champ de bataille » signale Kleist, aux premières lignes de son ouvrage. Quel champ de bataille aujourd’hui ? Un plateau pourrait-il devenir le théâtre des opérations ?
Catherine Boskowitz
1, rue Simon Dereure 94200 Ivry-sur-Seine