Le Shaga, en vrai, on ne savait pas que ça existait. Et on ne sait toujours pas si ça existe. Ce qu’on tient, en revanche, pour sûr, c’est qu’il existe un texte de théâtre écrit et mis en scène en 1968 par Marguerite Duras qui s’appelle comme ça, et qui eut un temps pour sous-titre Allô, allô, c’est moâ. Pas un texte inédit mais un texte inouï, ou, selon l’auteur, “la chose la plus folle que j’aie jamais écrite”.
De quoi s’agit-il ? “Ce sont des gens qui parlent et que la parole entraîne. Il y a là-dedans une gaïté essentielle, un pessimisme très joyeux, un pessimisme qui a le fou rire.” On y évoque un bidon troué, un oiseau bavard, un aller-retour pour Monte-Carlo, et trois personnages, dont une dame qui s’est réveillée un matin “coincée dans le shaga”. Mais le shaga, c’est quoi ? Une langue tour à tour agglutinante et synthétique, peut-être parente du cambodgien ou de l’indonésien, un genre de javanais, ou encore la langue effrayante et jubilatoire d’une folle subversion…
Nathalie Sarraute y voyait “un théâtre d’une telle nouveauté qu’il s’affirmera nécessairement” ; Claude Roy écrivait qu' “à grands éclats de rire, de poésie, d’innocence souveraine, Le Shaga abat les murailles de mort”. Créatrice du rôle, Claire Deluca nous permet de découvrir une Duras inattendue, provocatrice et facétieuse, galopant dans les étendues escarpées de l’absurde fréquentées par Ionesco, Beckett et les Monty Python, et sublime, forcément sublime
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