Dans la Lettre aux acteurs, Valère Novarina parle de la "distribution" de ses personnages comme d'un choix d'embouchures (bouche, anus, vagin) à un tuyau d'air soufflant en permanence. Voix du haut et voix du bas. Voix de la tête et voix du cul. Elles se mélangent, se juxtaposent, se substituent les unes aux autres durant les deux premiers actes du Babil Puis soudain les voix du bas se taisent. C'est alors que s'élève la voix d'Adramélech. Machine à respirer. Etre de chair et d'air. Le CO2 qui anime la matière mais aussi ce que désigne le mot pneuma : le souffle qui anime, le souffle de l'âme, de la pensée. Ici Novarina écrit comme un expiré (Carnets in Le Théâtre des paroles, p.86.). Adramélech expire. Et sa parole débordante refuse, réfute, renverse et retourne tout, comme un flot de lave issu de ses entrailles brûlantes, mais pas comme celle d'un iconoclaste, c'est une parole d'amour en définitive. Les autres, la femme, l'"autre" qui est en "moi", le temps, l'espace, Dieu, tous lui sont révélés, lui apparaissent pour être expulsés hors de son corps jusqu'au bout du souffle et poser toujours la même question sans réponse : pourquoi sommes-nous ?
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