"Un tissu invisible aux gens qui sont ineptes à leur fonction ou qui sont des idiots finis."
Connaissez-vous Evguéni Schwartz ? Staline a tout fait pour nous le cacher, sans parvenir à étouffer tout à fait sa voix. Car Schwartz appartient, comme Boulgakov, Daniil Harms et tant d’autres, à une grande génération sacrifiée de la littérature russe, celle d’une époque où les livres qui comptaient vraiment se confiaient de la main à la main. Mais s’il est urgent de s’ouvrir aujourd’hui à l’œuvre de Schwartz, ce n’est pas simplement pour s’acquitter d’un devoir de mémoire : c’est d’abord que ce théâtre-là est une fête de l’intelligence et du rêve, où la satire sociale et politique est d’autant plus mordante et âprement réjouissante qu’elle se donne des airs de conte pour enfants.
Ecrite en 1934, alors que l’hitlérisme se déchaîne en Allemagne, la fable du Roi nu, sous-titrée « La Princesse et le porcher », emprunte en effet à Andersen une trame rapide et fantaisiste, parsemée de sourires qui parfois se font ambigus. Schwartz y raconte comment Henriette et Henri, la princesse ingénue et le porcher débrouillard, voient leurs amours bucoliques compromises par la volonté du roi, qui tient à donner sa fille au souverain du royaume voisin, un despote grotesque qui tyrannise ses sujets. Chassés de leur tendre paradis de pastorale, les deux amants devront s’en remettre à la ruse pour faire échouer ces horribles noces…
Sous la figure de la brute qui se revêt complaisamment, pour son mariage, d’un vêtement de cérémonie censé être invisible aux yeux des idiots et des traîtres (vêtement qu’il est donc le premier à faire mine de voir), Schwartz voulait d’abord, dit-on, prendre Hitler pour cible. Mais la soupçonneuse bureaucratie stalinienne avait le regard trop aigu pour ne pas percer à jour une telle trame et se sentir visée à son tour : ce conte pour enfants n’autorisait que trop une lecture d’adultes, cet humour-là invitait à des réflexions bien sérieuses, cette fantaisie bariolée avait tout l’air d’avoir pour envers un réel d’une étoffe trop noire…
Evguéni Schwartz, mort en 1958, dut attendre vingt-trois ans la création de sa pièce. Et en France, il fallut patienter près d’un demi-siècle de plus avant qu’André Marcowicz, grand traducteur et spécialiste de théâtre, en propose une version nouvelle, restituant à merveille la truculence poétique, la bigarrure verbale et les jeux de mots de l’original. Laurent Pelly, le directeur du Centre Dramatique National des Alpes, était fait pour être sensible à ce ton si particulier, qui « mêle le cabaret, le théâtre et la farce pour développer et imbriquer des intrigues et des univers différents ». Avec Le Roi nu, il réussit ce qu’il aime par-dessus tout : « parler de choses profondes, graves et humaines, sans niaiserie mais à travers une forme drôle et ludique ». A la tête d’une troupe formidable d’engagement et d’entrain, Pelly s’est emparé de la fantaisie de Schwartz pour créer un spectacle bien dans sa manière - énergique et subtile, pétillant d’une verve sans cesse renouvelée -, dont la légèreté entraînante et la poignante joie ont enchanté la critique et les publics de Grenoble et de Bruxelles.
Le Roi nu est une oeuvre jubilatoire, insolente, drôle, un éclat de rire du début à la fin. Cette pièce pour adultes (et pour enfants) s’inspire de trois contes d’Andersen : La Princesse et le porcher, La Princesse sur un pois et Les Habits neufs de l’empereur.
c'est une mise en scène formidable. la troupe d'acteur est irréprochable. Une pièce populaire, lucide et limpide, sans discours lourd mais avec une belle intelligence. très agréable spectacle. De souffle, du nouveau, bref à voir et à conseiller. Et en plus, vous pouvez y aller entre amis ou en famille: le public y ayant accès est très large, il me semble. Je vois très bien de 7 à 77 ans comme fourchette. allez-y!
c'est une mise en scène formidable. la troupe d'acteur est irréprochable. Une pièce populaire, lucide et limpide, sans discours lourd mais avec une belle intelligence. très agréable spectacle. De souffle, du nouveau, bref à voir et à conseiller. Et en plus, vous pouvez y aller entre amis ou en famille: le public y ayant accès est très large, il me semble. Je vois très bien de 7 à 77 ans comme fourchette. allez-y!
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