« Les questions sont le fond du monde. » Dimítris Dimitriádis
Nilos et Militssa s’aiment et vont se marier. Mais quand Nilos annonce la nouvelle à son ami Philon, tout prend une tournure étrange. Philon, comme possédé, prédit à son ami et à sa future famille un destin marqué par le meurtre, l’inceste et le suicide… Vingt ans plus tard, il ne s’est toujours rien passé.
Traductrice, comédienne, metteur en scène travaillant en France comme en Italie, Caterina Gozzi s'est entourée d'une bande d'interprètes éprouvés pour restituer la fascination de cette pièce. Le plus banal et l'impensable se tiennent ici au même carrefour. D'un côté, quelques humains qui entament sous nos yeux une histoire tout à fait ordinaire. De l'autre, une trinité de figures mystérieuses et anonymes, désignées par les trois lettres A, B, C. L'identité des humains, au moins, ne suscite pas trop de questions : ce sont bien des mortels, livrés à des histoires de mortels, et dûment distingués par leurs prénoms. Les membres de la trinité de voix sont en revanche beaucoup plus difficiles à identifier. Sont-ils des dieux ? Est-ce donc à cela que ressemblerait une conversation entre immortels si nous pouvions la transcrire dans nos langues d'ici-bas ? Ces voix-là, en tout cas, paraissent souverainement indifférentes à nos pauvres schémas logiques de créatures en proie au flux inexorable du devenir. Elles articulent des lois incompréhensibles, fascinantes, vaguement terrifiantes aussi... Où parlent-elles, ces voix qui semblent délivrées du besoin même du sens, insensibles aux séductions de la vérité, mais qui en commentent froidement les effets affolants sur les humains qui ne peuvent s'en passer ? Elles tiennent des propos où démence et lucidité paraissent se mêler - et pourtant commenter, voire orienter secrètement, l'action qui suit son cours sur le plan quotidien.
C'est sur ce plan-là que se tiennent Nilos et Militssa. Ils forment un couple comme on en voit tant. Ils sont jeunes, ils s'aiment, ils vont se marier. Mais quand Nilos annonce la nouvelle à son vieil ami Philon, tout prend une tournure étrange. Philon s'efforce d'abord de dissuader Nilos de fonder une famille, comme si Militssa était une implacable rivale. Puis, devant le refus de Nilos d'en écouter davantage, Philon prend un autre ton, inouï, pour lui prédire à lui-même, à son épouse et à leurs futurs enfants un destin effroyable : après une période faste où ils connaîtront une prospérité sans exemple, ils perdront tout et sombreront dans la folie, l'inceste, le meurtre et le suicide...
Vingt ans plus tard, il ne s'est toujours rien passé. Nilos et Militssa ont trois grands enfants : Emilios, Evgénios et Starlet. Rien à signaler dans leurs existences, et le couple peut inviter Philon à célébrer avec eux leurs noces de porcelaine. C'est alors qu'à certains signes, la catastrophe trahit son imminence, tandis que les voix mystérieuses s'élèvent à nouveau pour en énoncer peut-être une formule... Le plus vieux fonds tragique de la Grèce hante cette œuvre de Dimitriádis à la façon d'un rêve à demi oublié : la fatalité, à la fois implacable et absurde, s'y déploie dans l'énergie d'une parole poétique qui mêle avec une étonnante maîtrise le trivial et l'oraculaire.
Traduction : Olivier Goetz & Armando Llamas.
"La metteuse en scène italienne Caterina Gozzi nous propose aujourd'hui cette tragique fresque humaine dans une beauté et une grandeur qui dépassent les mots. Une réussite étourdissante. [...] Dimitris Dimitriadis et Caterina Gozzi sont assurément deux phares de notre temps. Ils nous offrent un spectacle qui marque les cœurs au fer rouge pour longtemps... Un grand, un très grand moment de théâtre qui n'attend que vous." Les Trois Coups, Emmanuel Arnault,30 janvier 2010
"La mise en scène, signée Caterina Gozzi, est d'une grande élégance ingénieuse, rythmée et plastiquement impeccable. Sa scénographie monumentale sait cultiver l'intime au bon moment [...]. Côté comédiens, elle a su imposer une distance à leur jeu – une forme d'humour noir, qui contrebalance les aspects pesants de la tragédie démente qui se noue sous nos yeux." Les Échos, Philippe Chevilley, 29 janvier 2010
8, boulevard Berthier 75017 Paris
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