du 30 novembre au 20 décembre 2024 3h30 avec entracte
Coup de cœur CONTEMPORAIN Le 4 décembre 2024
En prenant pour matière les Mémoires de Simone de Beauvoir, la compagnie Animal Architecte ne cherche ni à célébrer une figure iconique, ni à proposer un biopic. À la croisée de la démarche documentaire et de la plongée en immersion dans des écrits souvent fulgurants, sept actrices et acteurs très différents réinventent par le jeu une vie qui ne cesse elle-même de se recréer et de se réécrire. À partir de 14 ans
Représentations surtitrées en anglais : chaque vendredi.
À partir de 14 ans
En prenant pour matière les Mémoires de Simone de Beauvoir, la compagnie Animal Architecte ne cherche ni à célébrer une figure iconique, ni à proposer un biopic. À la croisée de la démarche documentaire et de la plongée en immersion dans des écrits souvent fulgurants, sept actrices et acteurs très différents réinventent par le jeu une vie qui ne cesse elle-même de se recréer et de se réécrire.
Comment Simone de Beauvoir devint l’autrice de sa propre existence ; comment elle parvint, adolescente, à s’échapper du script imposé à une jeune fille de la bourgeoisie catholique française ; comment elle ne cessa de raconter, avec une lucidité au scalpel, ce que lui faisait le temps, ce que lui faisaient les êtres, ce que lui faisait le monde – telle est la matière de ces Forces vives, où quatre actrices passent, chacune à sa façon, par le « je » de Beauvoir à différents âges. L’existence de cette amoureuse de la vie rencontre un siècle de guerres : la Grande Guerre, dans l’enfance ; la guerre d’Espagne à l’horizon insouciant de sa vingtaine ; la Seconde Guerre mondiale, qu’elle et Sartre traversent au jour le jour ; enfin, la guerre d’Algérie, événement qui la saisit radicalement. De la lumière et de l’appétit de l’enfance à ces années plus sombres de tournant et de tourment – alors qu’elle atteint la cinquantaine, la vieillesse commence déjà à la hanter –, Animal Architecte entre en osmose avec la vitalité de celle que ses amis surnommaient le Castor. Et nous fait voir par le théâtre cette chose si mystérieuse, insaisissable, et qui nous est tellement commune: grandir, vieillir – devenir.
D’après Le Deuxième Sexe, Cahiers de jeunesse, Mémoires d’une jeune fille rangée, La Force de l’âge et La Force des choses (tomes 1 et 2) de Simone de Beauvoir © Éditions Gallimard.
« Camille Dagen met brillamment en scène quatre Simone de Beauvoir à différentes étapes de son existence, offrant un panorama complexe et moderne sur la vie et l’œuvre de l’insaisissable philosophe. » Libération
« Camille Dagen ne s’interdit rien : le comique (jusqu’au vaudeville) comme le drame, le réel comme l’onirique, les accélérations et décélérations, les retours en arrière comme les bonds en avant. Son geste, d’une réelle fantaisie, s’en remet aux fondamentaux du théâtre – son immédiateté et son artisanat – avec une grande confiance. Si elle n’évite pas certaines maladresses, sa fougue est contagieuse, son talent évident. » Le Monde
« On m’aurait surprise et même irritée, à trente ans, si on m’avait dit que je m’occuperais des problèmes féminins, et que mon public le plus sérieux, ce serait des femmes. Je ne le regrette pas. Divisées, déchirées, désavantagées, pour elles plus que pour les hommes il existe des enjeux, des victoires, des défaites. Elles m’intéressent ; et j’aime mieux, à travers elles, avoir une prise limitée mais solide que de flotter dans l’universel. » Simone de Beauvoir, La force des choses, volume 1 - Gallimard, Paris
« Je ne supportais plus cette hypocrisie, cette indifférence, ce pays, ma propre peau. Ces gens dans les rues, consentants ou étourdis, c’était des bourreaux d’Arabes : tous coupables. Et moi aussi. « Je suis française. » Ces mots m’écorchaient la gorge comme l’aveu d’une tare. Pour des millions d’hommes et de femmes, de vieillards et d’enfants, j’étais la soeur des tortionnaires, des incendiaires, des ratisseurs, des égorgeurs, des affameurs ; je méritais leur haine puisque je pouvais dormir, écrire, profiter d’une promenade ou d’un livre. » Simone de Beauvoir, La force des choses, volume 2 - Gallimard, Paris
Nous sommes parties du désir de travailler à montrer comment une vie de femme peut s’écrire, de l’enfance à la vieillesse - c’est-à-dire comment cette vie peut à la fois s’inventer, se comprendre et se raconter elle-même.
Les Forces vives se lancent donc sur cette ligne de crête, cette tension entre deux pôles, que je crois profondément « beauvoirienne » : angoisse ET jubilation d’exister ; aventure physique, charnelle, sensible de haute intensité ET travail constant sur les mots, les idées, pour tenter de saisir dans une pensée forte les contradictions constantes de l’existence. Dans la suite du spectacle, c’est sans cesse sur cette ligne que le plateau travaille, sur cette base qu’il se construit, avec un jeu et des séquences qui travaillent toujours à ce double endroit, indissociablement.
ll ne s’agissait surtout pas pour nous d’expliquer, de présenter ou de romancer la figure « iconique » qu’est par ailleurs Simone de Beauvoir. Mais bien de restituer la façon dont elle a écrit sa vie au double sens du terme. C’est-à-dire à la fois comment elle est devenue l’autrice de sa propre existence ; comment elle a fait par exemple le choix à l’adolescence de ré-écrire complètement, avec une combativité folle, le script traditionnel prévu pour la jeune fille de la bourgeoisie catholique française conservatrice qu’elle était. Et à la fois, de suivre et d’enquêter sur le processus d’écriture émouvant et lucide de cette grande fresque que sont les Mémoires en tant qu’œuvre littéraire - c’est-à-dire en tant que tissage et montage de morceaux, de visages du passé, subjectivement et sensiblement choisis.
Mettre en scène une entreprise d’écriture, donc, plutôt qu’une figure d’écrivain ; le mouvement perpétuel de (dé, re)-construction d’une existence, plutôt qu’une
biographie achevée. Laisser entendre parfois nos propres questions, nos propres rebonds, en adresse au public.
Nous rêvons que ce soit là une manière de donner la place aux spectateurs de penser leurs propres vies, en écho.
Simone de Beauvoir naît en 1908 et meurt en 1986. Notre désir de départ était donc aussi d’explorer une partie de l’Histoire récente. Et notamment certaines des guerres qui scandèrent le XXème siècle en France : la Grande Guerre, la guerre d’Espagne, la Seconde Guerre Mondiale, la Guerre d’Algérie. Des guerres que vécut Beauvoir plus ou moins directement et dont elle décrit les répercussions sur sa vie et son écriture. Ces séquences continuent à définir notre propre époque comme des héritages irrésolus, des résistances ou des fantômes encore agissants. C’est pourquoi nous avons souhaité leur donner une place sur scène, ainsi qu’à la réception du Deuxième sexe depuis 1949, jusqu’à aujourd’hui, qui symbolise bien les enjeux des luttes d’interprétation féministes et anti-féministes que la figure de Simone de Beauvoir polarise. Y compris des attaques sexistes violentes qui s’expriment souvent avec une véhémence très théâtrale. Nous avons donc invité le politique de façon plus frontale dans la deuxième partie du spectacle, intitulée « De Beauvoir ».
Il s’agit dans cette deuxième partie de recomprendre « l’objet » culturel et politique qu’est de Beauvoir depuis aujourd’hui.
Qu’est-ce qu’on fait de cette violence sexiste extrême que peut continuer d’inspirer cette figure de femme, intellectuelle féministe de gauche ?
Mais aussi l’étudier, la faire apparaître et entendre, chercher à la comprendre. Comprendre aussi où cette violence, toujours contemporaine, s’ancre politiquement, historiquement.
Or l’un des engagements politiques les plus radicaux - et les moins connus - de Simone de Beauvoir c’est son opposition à la guerre d’Algérie, ou plutôt son engagement très décidé en faveur de l’indépendance algérienne.
Tous les volumes de ses Mémoires ont été écrits pendant cette guerre. Nous avons donc choisi de donner toute sa place à ce qui est au coeur du dernier tome, La force des choses II : cette guerre d’Algérie dont Beauvoir pressent qu’elle sera tue, oblitérée de la mémoire collective française.
C’est ce qui est passionant dans l’écriture de Beauvoir et le récit qu’elle fait de cette période que notre génération connaît peu et qui correspond pourtant très littéralement à la fondation du régime politique dans lequel nous vivons, la Vème république : l’affect politique n’y est jamais séparé d’une émotion physique, est toujours une expérience de vie. Qu’est-ce que l’Histoire fait aux corps ? En l’occurence, pour Beauvoir, la séquence de la guerre d’Algérie coïncide avec ce qu’elle ressent comme l’entrée effrayante, désespérante, dans la vieillesse, avec la maladie de Sartre qui s’engage jusqu’au surmenage jusqu’à l’épuisement.
Les Forces vives assument ainsi sa diversité, avec des séquences très différenciées, affirmant différents degrés de distanciations et d’adresse pour nous permettre de faire résonner ce récit avec aujourd’hui.
Plusieurs niveaux se superposent et plusieurs théâtralités s’intriquent, pour tenter de créer un spectacle vivant et riche, qui ne soit pas un simple biopic
mais intègre une réflexivité.
Tout comme les Mémoires, le spectacle tisse ensemble, à la fois des questions simples, des épisodes qui appartiennent à toutes nos vies - colères d’enfance, amitiés d’adolescence, choix amoureux, joies et deuils … ; des séquences historiques correspondant à de grands bouleversements contemporains ; et la mise en scène d’une méditation plus large, poétique et existentielle.
Camille Dagen, Été 2024
Très bien fait ! J’ai passé un super moment.
Ce spectacle s’appuie sur l’œuvre de Simone de Beauvoir pour nous faire connaître sa vie et ses combats. L’ensemble fait œuvre utile, c’est intéressant, on ne s’ennuie pas, malgré la durée importante du spectacle (3h30). Le tout est quand même inégal : on commence par un prologue donnant la parole à Beauvoir, par un texte très dense. Malgré la théâtralité apportée à ce passage par une mise en scène et des lumières de grande qualité, ce passage est difficile à suivre pour qui n’est pas familier de son œuvre. Suit alors le portrait de la famille bourgeoise où elle a grandi. C’est très réussi, mais bien qu’on ne s’y ennuie pas du tout, un traitement aussi long n’était pas indispensable et ce qu’on voit est assez redondant. La rencontre avec Sartre et Merleau-Ponty m’a semblé assez confuse, avec un usage de la vidéo justifié, mais trop long. Le début de la seconde partie est très réussi, qu’il s’agisse de la scène qui montre la bêtise des ennemis de Beauvoir ou de celles sur la Guerre d’Algérie. La fin boucle avec le prologue, de nouveau par un monologue de Beauvoir, cette fois plus accessible, mais quand même bien trop long. En bref, Camille Dagen nous livre un spectacle utile, intéressant, plein de talent, mais qui aurait gagné à être resserré.
Excellents acteurs et mise en scène. Seul point non abordé : l’engagement communiste et ses désillusions A voir +++
Pour 3 Notes
Très bien fait ! J’ai passé un super moment.
Ce spectacle s’appuie sur l’œuvre de Simone de Beauvoir pour nous faire connaître sa vie et ses combats. L’ensemble fait œuvre utile, c’est intéressant, on ne s’ennuie pas, malgré la durée importante du spectacle (3h30). Le tout est quand même inégal : on commence par un prologue donnant la parole à Beauvoir, par un texte très dense. Malgré la théâtralité apportée à ce passage par une mise en scène et des lumières de grande qualité, ce passage est difficile à suivre pour qui n’est pas familier de son œuvre. Suit alors le portrait de la famille bourgeoise où elle a grandi. C’est très réussi, mais bien qu’on ne s’y ennuie pas du tout, un traitement aussi long n’était pas indispensable et ce qu’on voit est assez redondant. La rencontre avec Sartre et Merleau-Ponty m’a semblé assez confuse, avec un usage de la vidéo justifié, mais trop long. Le début de la seconde partie est très réussi, qu’il s’agisse de la scène qui montre la bêtise des ennemis de Beauvoir ou de celles sur la Guerre d’Algérie. La fin boucle avec le prologue, de nouveau par un monologue de Beauvoir, cette fois plus accessible, mais quand même bien trop long. En bref, Camille Dagen nous livre un spectacle utile, intéressant, plein de talent, mais qui aurait gagné à être resserré.
Excellents acteurs et mise en scène. Seul point non abordé : l’engagement communiste et ses désillusions A voir +++
8, boulevard Berthier 75017 Paris
Entrée du public : angle de la rue André Suarès et du Bd Berthier.