Dans le spectacle, les protagonistes tentent au début de décrypter et d’interpréter l’enregistrement brouillé d’une conversation entre un pilote d’avion et la tour de contrôle. Curieusement, l’analyse de ce document les « contamine » et bouleverse progressivement leur perception de la réalité. Ils ne ressentent alors plus les mêmes choses et peinent de plus en plus à se comprendre. Leur situation devient si absurde que seule la violence parviendra temporairement à arrêter ce délire. Juste le temps qu’ils réalisent que tout ce qu’ils ont vécu n’a pas eu le moindre impact sur le monde et qu’ils n’ont alors pas d’autres choix que de tout abandonner ou de tout recommencer…
L’expérience de ces trois individus illustre parfaitement celle que nous avons nous-mêmes vécue pour réaliser ce projet. Notre énergie, nos convictions et notre enthousiasme n’ont pas résisté à l’ampleur
de la tâche, nous plongeant jour après jour dans une sorte de trou noir. Il fallait simplement en prendre conscience et travailler à partir de ce constat.
Le travail est parti de nous, c’est-à-dire des opinions, des intuitions et des expériences de chaque membre de l’équipe artistique. Début 2009, nous avons analysé différents faits d’actualité à partir des journaux, de la télévision, de la radio et d’internet. Nous nous sommes entre autres penchés sur le zapping de Canal+. Cette longue série de scandales, de paradoxes et d’aberrations nous a rendu très mal à l’aise. Tout nous semblait absolument invraisemblable. De là, nous avons imaginé des situations et rêvé certaines improvisations, avant de les concrétiser sur le plateau. Nous nous sommes ainsi retrouvés avec de nombreuses scènes à agencer, à transformer ou à supprimer pour construire un ensemble cohérent : « Les éclaboussures ».
En menant un travail, non pas « sur » mais « à partir de » l’actualité, il s’agissait bel et bien de faire l’expérience nous-mêmes de ce que diffusent tous les jours les médias. Et c’est un immense brouhaha que nous avons perçu. Nous nous sommes sentis emportés par un torrent de boue, et il ne nous est resté au final qu’un bruit de fond, des traces, des éclaboussures…
Si tout le monde est confronté à ces sortes d’acouphènes omniprésentes, la première difficulté est de s’en protéger. La deuxième reste d’affronter coûte que coûte la réalité et de s’engager. Et le théâtre, c’est précisément le moyen que nous avons choisi pour partager notre expérience.
77, rue de Charonne 75011 Paris