Tout public à partir de 12 ans.
Ecrit par Jean Cocteau en 1929, Les enfants terribles seront portés à l’écran par Jean-Pierre Melville en 1950. Véritable tragédie, l’histoire se déroule dans un univers enneigé où, comme souvent chez Cocteau, le monde ordinaire se transforme en monde magique.
En 1996, le musicien et compositeur américain Philip Glass, incontournable du mouvement minimaliste et répétitif, s’empare de l’œuvre du poète et crée une nouvelle forme : un opéra de chambre pour trois pianos dans lequel la musique est tout à la fois légère et précieuse. Paul Desveaux (Vraie blonde et autres en 2004 et Les Brigands en 2005) signe là sa première œuvre lyrique.
Quand Pierre-François Roussillon, directeur de la Maison de la Culture de Bourges, m’a invité à travailler sur Les Enfants Terribles de Cocteau/Glass, je me suis souvenu du cinéma de minuit, d’Orphée, des Parents Terribles. De l’impression d’avoir ouvert une fenêtre sur l’oeuvre d’un véritable poète du verbe et de l’image.
La force de l’univers de Jean Cocteau repose sur l’irréalité apparente de ses oeuvres. Un territoire poétique immense où tout est possible, un territoire aux accents de liberté. Mais sous l’apparente irréalité, nous touchons à l’être débarrassé des lieux communs. Nous atteignons le coeur de notre humanité fragile. Comme dans les mythes hellènes où seul compte notre relation au divin, au destin, et à la mort. Et Les Enfants Terribles relève de cette expérience. Cocteau aurait pu sous titrer son livre de tragédie enfantine comme l’avait fait Wedekind pour L’éveil du printemps. Tragédie par l’exacerbation des sentiments, des tensions entre les êtres, de l’humour incisif de la jeunesse, et du parcours vers la mort.
Par ses reprises de thèmes, ses accents violents, et en contre point, la forme ténue de trois pianos pour un opéra, la musique de Philippe Glass est aussi névrosée que l’oeuvre de Jean Cocteau. Elle a la légèreté des choses fragiles mais précieuses. Elle a une certaine mélancolie aux accents de gaîté. Elle collectionne les petits objets musicaux comme ces enfants terribles qui amassent dans leur chambre les choses insolites.
L’originalité de cet opéra, c’est qu’il se joue sur des pianos électroniques, et laisse la place à une organisation particulière de la musique dans l’espace du théâtre. Mais pour les jeunes gens qui chanteront ces grands enfants, il leur faudra la force de futurs chanteurs wagnériens pour révéler la violence de ces cris. La douceur n’est pas de mise. D’ailleurs, qui peut dire aujourd’hui que les enfants et les adolescents sont des êtres sages et innocents ? Il n’y a pas d’êtres moins en relation avec le noyant brûlant de la vie.
Et au-delà de ces rapports, il y a cette chambre mystérieuse. Lanterne magique où se projettent les âmes d’Elizabeth et Paul. Cet espace devient, tout au long du récit, une véritable oeuvre d’art mouvante, jamais aboutie, qu’ils doivent reconstruire à l’infini, car sinon, il n’y a pas moyen de vivre. C’est un espace d’imaginaire où le territoire de l’intime se révèle à coeur ouvert.
Ici, il peut neiger ou alors un vent d’automne peut traverser la scène balayant des feuilles mortes. Nous pouvons comme Elizabeth manger des homards dans notre lit, et dormir sur un amoncellement de souvenirs et fantômes divers.
Nous devons donc suivre le chemin de l’écrivain et bannir le raisonnable. La forme musicale le permet, car elle appelle en premier la part sensible du spectateur. Mais Philip Glass parle de « dance-opera » ; et je crois qu’il y a là une indication essentielle sur le mouvement. Il y a une manière de se mouvoir à l’intérieur de cette oeuvre. Ainsi, avec la chorégraphe Yano Iatridès et les chanteurs, nous écrirons la partition des corps pour trouver une poétique de la scène comme Cocteau la poésie du texte.
Paul Desveaux
"En sortant de la salle, on a des images plein la tête et de quoi rêver pendant un long moment." Ouest France Quimper.
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