Plis non conventionnels écrits entre 1672 – 1722
Rencontre de plusieurs générations
Précisions sur la princesse Palatine
Extraits de quelques lettres
Note du metteur en scène
Ce qui est passionnant dans cette correspondance, c'est avant tout la personnalité attachante de son auteur - Charlotte-Elisabeth de Bavière, née en 1652 au Palatinat, province de Prusse. On la marie à 19 ans à Monsieur, frère du roi Louis XIV. Elle vit au cœur de la cour mais toute sa vie, elle conservera des liens étroits avec sa famille. Elle a écrit plus de 60 000 lettres à toutes les cours d’Europe. Ses confidentes favorites sont sa tante, Sophie de Hanovre et deux de ses demi-sœurs : Louise et Amelise.
La plupart des lettres passaient par le canal officiel et étaient ouvertes. Mais certaines ont été envoyées discrètement. Leur ton est plus libre et familier. La verve et le style de celles-ci donnent en permanence l’impression que Charlotte-Elisabeth de Bavière s’entretient de vive voix avec ses correspondants d'où la tentation de porter une telle parole à la scène.
Les Lettres de la princesse Palatine ont été proposées en lecture l’été 2004 dans le cadre des 7ème Rencontres Internationales Artistiques de Haute Corse organisées par Robin Renucci.
Il s’agit d’une rencontre entre plusieurs générations, les propos et les réflexions d’une femme intelligente de cœur et d’esprit sont ici donnés par deux comédiennes ; l’une est la voix de la jeunesse et de la fougue, l’autre celle de la vieillesse et du discernement.
Lettres de la princesse Palatine, c’est une forme classique née dans un cadre de plein air et qui grâce à l’accueil chaleureux du public et au très bon écho de cette présentation nous a incité à en proposer une reprise à l’Atalante, en poussant du côté de la théâtralisation.
Arrachée pour des raisons politiques et diplomatiques à sa petite cour provinciale du Palatinat, Charlotte-Elisabeth de Bavière épouse à l’âge de 19 ans Philippe d’Orléans, dit Monsieur, frère cadet de Louis XIV.
Elle quitte son Allemagne occidentale natale qui a conservé une grande rusticité de mœurs et se retrouve dans la plus brillante et la plus animée de toutes les cours d’Europe où les intrigues et les persiflages tiennent une place de choix.
Dotée d’un physique sans grâce, d’une démarche lourde et d’une voix forte, Charlotte-Elisabeth, surnommée Madame ou princesse Palatine, ne tardera pas à être victime des railleries, des vexations des gens de la cour et ce, malgré la sympathie que peut lui témoigner le Roi Louis.
Eloignée des siens, elle conserve néanmoins d’étroits liens avec sa famille et ses confidentes favorites sont sa tante, Sophie de Hanovre et 2 de ses demi-sœurs, Louise et Amelise. C’est à travers plus de 60 000 lettres qu’elle confiera chaque jour, et tout au long de sa vie, ses joies et ses peines, ses pensées et ses réflexions sur la vie à la cour de Versailles et sur le royaume de France.
Loin d’être aveuglée par tous les fastes et les illusions de la cour, son immense correspondance dresse un portrait sans fards de la monarchie absolue.
« Telle qu’elle est, avec toutes ses crudités et ses contradictions sur ce fonds de vertu et d’honneur, Madame est un utile, un précieux et un incomparable témoignage de mœurs. Elle a du cœur ; ne lui demandez pas de l’agrément mais dites ; il manquerait à cette cour une figure et une parole des plus originale, si elle n’y était pas. » Sainte - Beuve.
« N’ayant jamais été belle, je n’ai pas perdu grand-chose. Puis je vois que celles qui étaient belles jadis, sont, à cette heure, plus laides que moi… Plus je serai vieille, et plus laide il me faudra devenir, mais mon humeur et mon cœur ne peuvent plus changer… »
« Dieu me pardonne, mais je soupçonne que vous faites promener vos médailles et vos reliques et vos images de la vierge dans un pays qui lui est inconnu. »
Monsieur répondit : « Taisez-vous, dormez, vous ne savez pas ce que vous dites. » (…) Il ma dit : « les reliques garantissent de tout mal les parties que l’on frotte. » je répondis : « vous ne persuaderez point que c’est honorer la vierge que de promener son image sur les parties destinées à ôter la virginité. »
« Quant à Monsieur il a fait fondre et vendre toute l’argenterie qui est venue du Palatinat et il en distribué l’argent à ses mignons… »
« La cour devient si ennuyeuse qu’on n’y tient plus car le Roi s’imagine qu’il est pieux s’il fait en sorte qu’on s’ennuie bien… C’est une misère quand on ne veut plus suivre sa propre raison, qu’on ne se guide que d’après des prêtres intéressés et des vieilles courtisanes ; cela rend la vie bien pénible aux gens honnêtes et sincères. »
« Je ne puis supporter les rois qui s’imaginent plaire à Dieu en priant. Ce n’est pas pour cela qu’on les a mis sur le trône. Faire le bien, exercer le droit et la justice, contenir les prêtres et les forcer à s’en tenir à leurs prières sans se mêler d’autres choses, voilà quelle devrait être la vraie dévotion des rois. Qu’un roi fasse sa prière matin et soir, cela suffit. »
« Ma chère Louise, j’ai regretté toute ma vie d’être femme et, à vrai dire, cela m’eût convaincu davantage d’être Electeur plutôt que Madame. Je n’aurais pas rançonné le pays, comme fait l’Electeur actuel et aurait laissé toutes les religions parfaitement tranquilles… »
« Croyez-vous qu’on entende pas de lamentations ici jours et nuits ? La famine est tellement violente à cette heure que des enfants se sont entre-dévorés. »
« J’apprends ce matin que la vieille gueuse est crevée (Mme de Maintenon)… si au moins elle était morte il y a quelques 30 ans, tous ces pauvres réformés seraient encore en France. J’ai dans la tête que ce qui a fait le plus de chagrin à la vieille conne en mourant, c’est de laisser derrière elle mon fils et moi en bonne santé. »
Pourquoi deux « Palatine » ? L’une jeune que l’on voit beaucoup écrire ou dire à l’avance ce qu’elle couchera plus tard sur le papier, l’autre la plus âgée que l’on verra surtout relire ses lettres, dont beaucoup dorment en attendant en une grande malle, aux fins de les classer et en vue, au fond d’elle même l’espère-t-elle, de leur publication… tandis que la jeune peut se dire que tant qu’elle vivra, elle écrira.
Au départ, l’une comme l’autre a du mal à admette son double. Finalement, cette acceptation l’une de l’autre nous dira l’évidence que pour qui écrit, l’écriture c’est le moyen de se supporter, de vivre tout simplement, d’accepter de la vie ses offrandes, ses déceptions, ses douleurs.
Les deux comédiennes conversent avec le public ou s’entretiennent l’une avec l’autre… de temps à autre l’une des deux interprètes se transforme en partenaire de la Palatine, évoquant brièvement par exemple une garde suisse, le roi Louis XIV….
Nous voulons faire un travail de haute précision qui n’en ait pas l’air mais qui au contraire doit sembler s’improviser. Cela nous l’espérons pour la plus grande joie des spectateurs.
Pour réussir cela, il fallait faire appel aux costumes et à la scénographie d’Anne-Marie Underdown, à la lumière de Pierre Peyronnet et pour le son et l’ameublement au précieux concours de la Comédie française.
10, place Charles Dullin 75018 Paris