J’ai eu la chance de pénétrer dans cette intimité l’été dernier, pour le Marathon des mots. Un matin, je reçus par e mail, (nouvelles techniques de correspondance) des lettres, en vrac, gribouillées, à peine transcrites. Non, certaines ne m’étaient pas complètement étrangères. J’avais lu les lettres magnifiques de Bonaparte à Joséphine, et bien sûr les lettres à Lou d’Apollinaire (adorées par mes parents qui m’avaient nommée ainsi en son honneur !…).
Il y avait donc comme une évidence à partager ces « secrets » recueillis patiemment par Madame X. Elle m’expliqua quelques mois plus tard, quand j’eus l’occasion d’échanger quelques mots avec elle, à la suite de ma deuxième lecture. Elle m’expliqua donc, qu’à la naissance de sa fille, il y a une quinzaine d’années, elle éprouva le besoin de partir à la recherche de lettres, de correspondance, comme pour pouvoir donner en exemple à sa fille, le goût, le désir d’écrire, l’importance de la « lettre » ; ce support dangereux et puissant, cette danse des mots, ce pouvoir d’être lu et relu, cette force douce et latente…
Envoûtée par cette responsabilité, par ce flambeau qu’on me donna ainsi à partager, par cette mission troublante : partager le secret. Je me sentis fière de faire partie de cette humanité.
Ainsi paisiblement, m’est venue l’envie de continuer cette aventure à peine commencée, sachant toutefois qu’à présent, cette responsabilité est moindre, le recueil étant sorti, à la portée de tous et laissant place simplement au désir de lire, et aussi de rendre à ces monstres-artistes sacrés par le temps leur humanité, leurs faiblesses, leurs angoisses, les rendre un peu comme nous, un peu faibles et un peu forts… Vivants !
J’aime les fils qui nous unissent, nous séparent, se coupent… Lettres écrites dans la passion, la rage, l’enfermement, lettres d’amour, d’insultes, de négociation… Lettres d’un soir, du matin, lettres endormies, lettres apaisées, lettres apaisantes, drôles, désespérées… Lettres de citoyens, lettres de condamnés… Petits papiers, papiers froissés, papiers volés, cachés, disparus mais ce soir, un peu retrouvés… Petits et grands sentiments mortels, ballottés par le temps, rendus immortels…
Dans l’espoir de ne pas trop déranger ces auteurs, de ne pas trop violer le secret de leurs lettres intimes, se cachant derrière ma curiosité, mettant en avant leur beauté… J’aime à les partager… Fascinée par le sens que l’homme a mis dans ce qui est devenu l’art de communiquer, de rester en contact, en vie.
Aussi dans l’espoir d’être pardonnée par ces êtres qui se sont déposés dans la confidence « intime », ne s’attendant sûrement pas à être gardée, conservée, chérie pendant tant d’années, de siècles parfois.
Et sachant toutefois que dans le désir d’écrire, il a le désir d’être lu, que dans chaque homme rode l’espoir de son immortalité, de marquer son temps… Ces auteurs - s’en sont-ils rendus compte - qu’ils y étaient parvenus ? Pas seulement par leurs qualités d’artistes mais aussi par leur humanité. Céline, Bonaparte, Maupassant, Apollinaire… ont-ils eu l’innocence de croire que ces mots resteraient dans l’intimité de leur destinataire ?!
Lou Doillon
Lecture d’extraits de l’ouvrage sorti aux Editions Textuels : Lettres Intimes - une collection dévoilée. Les auteurs : Goujon, Maupassant, Colette, Edith Piaf, Napoléon Bonaparte, Comte de Chesterfield, Marie Antoinette, Elvis. Et quelques surprises !
19, rue de Surène 75008 Paris