Ionesco défie Shakespeare dans cette mise en abîme du mythe. Le fidèle Macbett qui ne connaît ni la peur ni l'ambition, rencontre d'étranges sorcières. Sous leur influence diabolique, il découvre l'envie, la jalousie, la trahison, et sombre peu à peu dans la folie. Dans un déferlement verbal « tragi-ubuesque », Ionesco interroge la vanité, le destin et la mort. Divertissement pour les uns, cauchemar pour les autres ; du théâtre de boulevard à la tragédie en passant par le conte de fée ; universel et clairvoyant ; " C’est la fable, racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne veut rien dire. " (Shakespeare, Macbeth , Acte V-sc.5)
Macbett est l'occasion pour chacun d'une réflexion profonde sur la mécanique du pouvoir.
« Revenir à l’insoutenable. Pousser tout au paroxysme, là où sont les sources du tragique. Faire un théâtre de violence : violemment comique, violemment dramatique. Le théâtre est dans l’exagération extrême des sentiments, exagération qui disloque la plate réalité quotidienne. Dislocation aussi, désarticulation du langage. » Eugène Ionesco, Notes et contre-notes
C’est parce que Ionesco s’est éloigné des codes et du langage tels qu’ils se pratiquaient au théâtre à son époque, parce qu’il les a remis en question, parce que son théâtre est inclassable, parce qu’il refuse de transmettre un message intelligible et sape les bases de la communication, que son œuvre a été estampillée « théâtre de l’absurde ». Mais chez Ionesco, « l’absurde » et l’ambiguïté sont l’expression d’une volonté farouche de purger sa poésie de toute forme de démagogie.
« L’artiste n’est pas un pédagogue, n’est pas un démagogue. La création théâtrale répond à une exigence de l’esprit, cette exigence doit suffire en elle-même. »
L’expérience de Macbett/Macbeth est universelle : une réussite extérieure (sociale) ne peut empêcher une défaite intérieure (existentielle). Macbett n’est pas la caricature rassurante d’une des plus célèbres pièces de Shakespeare mais une opération critique sur le mythe. Macbett, c’est Macbeth cauchemardé par Ionesco. L’ambition, la vanité, le destin et la mort en sont les thèmes principaux ; le plus violent, le plus extrémiste, le plus dénué de toute éthique accède inexorablement au pouvoir. « Mon Macbett, entre Shakespeare et Jarry, est assez proche d’Ubu roi. »
La mise en scène soumet aux acteurs plusieurs problématiques. Comment être dans l’extrémité des sentiments en évitant l’écueil de la parodie ? Comment rendre compte du grotesque et du sublime sans glisser vers le burlesque et le pathos ? Comment contourner le jeu psychologique et la sensiblerie sans être dans un jeu distancié ?
D’une part, j’élabore avec les acteurs des partitions musicales et rythmiques. D’autre part, je découpe le texte en séquences compressées ou étirées, tentant ainsi de créer des variations d’intensité brutales et décalées.
Notre Macbett est un manifeste théâtral : 7 acteurs jouent les 33 rôles et figurants de la pièce. L’espace de jeu est délimité par une ligne imaginaire au delà de laquelle se situent les coulisses, matérialisées par quelques éléments mobiles. Ivan le Terrible de Prokofiev accompagne musicalement le texte de Ionesco, tour à tour murmuré, proféré, haché, chanté, nié, ressassé, vociféré… par les acteurs.
Depuis sa création en 2002, la Compagnie des Dramaticules axe sa recherche théâtrale sur le décalage, les variations de cadences et la musicalité de l’acteur. L’écriture de Ionesco, à la fois chaotique et parfaitement structurée, qui imbrique et conteste tous les codes théâtraux, est le terrain idéal de ces explorations.
Divertissement pour les uns, cauchemar pour les autres ; du théâtre de boulevard à la tragédie, en passant par le conte de fée ; prémonitoire et clairvoyant. Macbett est l’occasion pour chacun d’une réflexion profonde sur la mécanique du pouvoir.
Jérémie Le Louët
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