Machine sensible

À partir de 12 ans

• 12 ans dans l'armée

Machine sensible est un solo théâtral tiré d’une histoire vraie. Il retrace le parcours de Nicolas qui entre dans l’armée de terre parachutiste à ses 19 ans, pour y rester 12 ans, avant d’opérer un virage radical pour devenir comédien. Il explore les rouages de ce façonnement rigide et les chemins que l'on prend pour se transformer.

• Note d'intention

« 12 ans dans l’armée ?! Non mais tu plaisantes ? »

C'est la réaction la plus courante à laquelle je suis confronté lorsque j'évoque mon passé militaire. L'armée est un milieu vecteur de fantasmes, de mystère, de craintes. C'est un milieu fermé dont peu de personnes connaissent la réalité. Mon parcours de jeune homme qui s'engage puis finalement démissionne de l'armée douze ans plus tard pour devenir comédien a donc de quoi surprendre et intriguer.

Cette carrière militaire a laissé des traces sur moi : sur mon corps, dans ma psyché, dans mon rapport au monde.

C’est de ces traces dont je témoigne dans Machine sensible. En disséquant mon parcours militaire, je propose d'interroger mon engagement et mon évolution : qu’est-ce qui m’y a poussé, quelle était ma motivation à rester si longtemps ? Pourquoi je déciderais de démissionner et quels en seront les résidus, le sédiments ?

Comment devient-on soi-même ? Existe-t-il un « soi-même » ?

Je souhaite interroger la notion d’identité et sa construction très spécifique dans le cadre militaire, à travers la narration de mon expérience à l’armée, dont un des slogans est : « Devenez vous-même ».

J'utilise des réflexions personnelles pour ouvrir le discours vers des thématiques plus larges telles que la quête d’identité, la construction de la masculinité, la servilité comme outil d’état, l’accès au sensible et la fabrique des guerres. Question du genre et de la place des femmes dans cet univers hautement viriliste sera naturellement présente.

Machine sensible parle de notre rapport à la force, au courage, à l’héroïsme et au sacrifice. Dans un contexte social et politique de plus en plus emprunt de menaces guerrières, quelle est cette image de « l’homme de guerre » ? Quelle est l’idéologie qu’il véhicule ?

Je raconte cette histoire en plongeant le public dans des événements vécus ou fantasmés. La narration au plateau se fait parfois drôle et sensible, mais aussi brutale et sans pitié. En retraçant mon parcours de mon entrée dans l'armée jusqu'à mes premiers pas en tant que comédien j'explore les rouages de ce façonnement rigide et les chemins que j'ai pris pour me transformer.

Tout comme le corps a une place centrale dans l’expérience de l’armée, il tient un rôle capital dans Machine sensible. Dans ce solo, le corps est utilisé de manière performative et dansée ; je le contrains en reproduisant des gestes et des exercices qui ont fait partie de mon quotidien pendant douze ans et qui, grâce à la répétition, servent de socle pour des mouvements chorégraphiés.

Machine sensible est un solo empli de métamorphoses, de passage d’un corps à un autre, chaque corps embrassant la mémoire du précédant pour s’extraire de ce conditionnement et accéder enfin au corps sensible. Mon corps se fait matière, il devient un matériau souple et modulable. Inspirée par les sensations corporelles, ma parole elle aussi se libère et devient le témoin des fêlures et des forces qu’une telle expérience laisse en celui qui l'a vécue.

Entre la force ultra virile et la sensibilité à fleur de peau, il n’y a, dans Machine sensible, qu’un pas.

Nicolas Perrochet