Madame Jonas, initialement Jonas au masculin, a une longue histoire. Créée à l'origine par Olivier Hussenot au Théâtre du Vieux Colombier elle a été représentée dans presque tous les pays d'Europe, d'Amérique latine, aux USA. Par France-Culture, elle a touché 22 pays francophones. La dernière mise en scène est celle de Pierre Vial, sociétaire de la Comédie Française. Elle a été jouée de janvier à mars 2005 par le regretté Bruno Balp.
Sollicité par des comédiennes, Berreby a écrit une version féminine de Jonas, qui n’est pas une simple mise au féminin du texte initial. Elle a été créée par Cecilia Word dans une mise en scène d’André Nader qui l’a récemment remontée avec Elodie Ruffié dans le Midi. La comédienne vénézuélienne Yahahira Salazar l’a jouée à Paris et à Caracas.
Mme Jonas, qui va devenir prophétesse malgré elle, est une femme-rabbin libérale, qui a dû s’imposer dans son milieu religieux patriarcal et dans la petite société des notables de sa ville où elle est maintenant bien intégrée. C’est une femme de foi, une femme généreuse, mais désireuse de s’installer dans sa position durement acquise. En plus, elle n’est pas sans liens amoureux.
Elle se voit intimer l’ordre d’aller clamer dans la mégapole contre l’égoïsme, l’agressivité et les égarements de notre société. Elle va alors se débattre entre son appel intérieur et son désir de sécurité. Par un savoureux marchandage, elle tente de concilier les deux. En vain. Elle ne voit alors de salut que dans la fuite.
Mais on n’échappe pas si aisément à sa conscience ou au « choix de Dieu ». L’odyssée qu’elle va vivre la mènera de la baleine-sous-marin au podium des triomphateurs, puis à un asile psychiatrique où elle sera enfermée « pour exercice illégal de la vérité ». Se retrouvant au désert comme le Jonas biblique, elle acceptera enfin la mort du « singe qui dansait en elle ».
Madame Jonas : une parabole riche de sens, ponctuée d’éclats de rire.
Mme JONAS Et voilà ! Il revient à sa politique habituelle : le silence. Il ne se rend pas compte du préjudice que ça lui porte ! (Elle s’assied sur le divan. Elle baille, baille, s’étire… Et soudain, alors que Mme Jonas ne s’y attend pas.)
LA VOIX A Babynive ! A Babynive !
Mme JONAS (D’abord pétrifiée, se lève en criant.) Je veux être une femme ! Seulement une femme ! Ni une sainte ! Ni une héroïne ! La vie, la simple vie, fragile, incertaine, miraculeuse, pourquoi la provoquer ?
LA VOIX Babynive a séduit les habitants de la terre et ils adorent le Veau d’or. Va crier contre les rapaces ? Va crier contre ceux qui détruisent la vie. Ils polluent les océans, ils polluent les cités, ils détruisent les forêts.
Mme JONAS (Diplomate) Je reconnais que les pollueurs sont dangereux. Mais même les chefs d’Etats n’osent pas s’attaquer à eux.
LA VOIX Comment peux-tu accepter ce que des hommes font à d’autres hommes ?
Mme JONAS Seigneur, on ne peut pas vivre dans l’indignation permanente.
LA VOIX Et pourquoi pas ?
Mme JONAS Ça fatigue. (Léger temps.) Voilà ce que je peux te proposer… J’ai des économies… Des petites économies. Eh bien, je vais créer un site Internet. Avec des photos de Jérusalem. Tu sais combien les internautes aiment les images. Et j’introduirai des passages de la Bible. Qui sait ? (Sceptique.) Quelques Babyniviens comprendront et ils reviendront à leur religion. Les chrétiens à l’Eglise ; les juifs à la Synagogue… Les musulmans à la Mosquée… Les bouddhistes à Bouddha. On ne demande pas mieux, tu sais, que d’avoir du monde. (En confiance.) Le chanoine me dit souvent : « Ce n’est pas une vie de prêcher pour trois tondus et deux bigotes. Les quêtes s’en ressentent. Il y a des jours où on ne fait pas nos frais. »
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