Feydeau sexplique : " Je pars toujours de la vraisemblance Un fait, à trouver, vient bouleverser lordre de marche des événements naturels tels quils auraient dû se dérouler logiquement. Jamplifie lincident. Si vous comparez la construction dune pièce de théâtre à une pyramide, on ne doit pas partir de la base pour aboutir au sommet comme on a fait jusquici. Moi, je retourne la pyramide : je pars de la pointe et jélargis le débat ! "
Dans Mais ne te promène donc pas toute nue, Monsieur Ventroux exerce un métier de représentation où limage du mari doit à tout prix rester prestigieuse. Monsieur Ventroux est un homme politique. Il est député. Son épouse a la fâcheuse manie de se promener chez elle en tenue légère. Ce travers entretient un conflit permanent entre les deux époux. Feydeau qui se hâtait toujours de mettre en présence les personnages qui ne devaient pas se rencontrer, organise un défilé imprévu de personnalités. Malgré les efforts redoublés du député pour conserver les apparences et maintenir sa femme loin des regards extérieurs, Clarisse - tel un diable sortant inlassablement de sa boîte et quon ne peut contenir sous son couvercle - naura de cesse de le rappeler à sa nature corporelle, contrariant ainsi les aléas du jeu social.
Finalement, après que sa femme ait " fait voir son derrière au rédacteur du Figaro ", sous lil amusé du célèbre voisin Georges Clémenceau " qui est tout le temps à sa fenêtre ", Ventroux comprend que " sa carrière politique est dans leau !".
Ainsi, Feydeau nous rappelle que ceux qui sont du côté de la répression du corps prennent le risque de tous les renversements et oublient que la vie sentretient de la fusion du spirituel et du biologique.
Mais nte promène donc pas toute nue a été écrit en 1911. Feydeau, alors âgé de 49 ans, a déjà connu le succès avec de nombreuses pièces, notamment La Dame de chez Maxim, Un fil à la patte Depuis quelques années, son métier lennuie. En panne dinspiration et las du vaudeville, il va retrouver le bonheur de créer en puisant dans sa douloureuse expérience conjugale la substance de ses pièces.
En effet, à cette époque, lauteur, qui ne tardera pas à divorcer, sest séparé de son épouse et sest installé dans un hôtel quil ne quittera que dix ans plus tard. Ainsi dispose-t-il maintenant du recul nécessaire pour dépeindre lenfer de son couple et en faire ressortir tout le comique latent. Feydeau trouve dans la futilité, dans la consternante bêtise des motifs de querelles qui déchirent un couple naguère uni, non seulement matière à faire rire, mais aussi sujet à satisfaire sa misanthropie essentielle.
Il ne sagit donc pas ici dun court vaudeville, mais dune authentique farce cruelle sous son apparence burlesque.
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