Sur une presqu’île, dans la villégiature de Georgia Hesse. Pour la Saint Sylvestre, elle rassemble son clan : mère, frères et sœurs, conjoints, neveux, nièces, se télescopent dans une réunion triste et folle par un soir de grand vent. Autour de son fils, l’ombrageux Jérôme, qui cuit des patates dans la cheminée gravitent deux filles, Juliette et Charlotte. Les rouages de la vie semblent suivre leur cours ordinaire : vieillesse solitaire, règlements de compte érotiques des adolescents, désir de reconnaissance des uns, blessure secrète des autres.
Parmi tous ces personnages évolue la fille de Georgia, Marcia Hesse. Elle va et vient en silence, elle est parmi nous et aucun ne semble la voir. Elle est le trou noir de la pièce : la conversation roule sur la météo, les poivrons de Rimbaud, la moustache de Staline, le cancer et Hiroshima, mais derrière chacun des mots échangés se cache Marcia.
J’ai toujours aimé, en tant que spectateur, voir beaucoup de comédiens sur une scène, c’est un peu d’humanité qui est là, nous parle, se parle, interroge, questionne, émeut. Jacques Copeau écrivait que le théâtre, l’art en général, servait à nous restituer un peu de notre « substance d’homme »!
Avec cette pièce Marcia Hesse écrite par Fabrice Melquiot, auteur vivant et très prolifique, qui parle d’une famille, du lien, du dit et du non-dit, du souvenir et de la perte, d’amour, c’est un petite part de l’humanité qui est là, devant nous.
Et le théâtre devient alors ce lieu privilégié, encore, où l’homme parle à l’homme, où le partage se fait sensible, où les mots deviennent l’écho du monde visible et invisible…
C’est une soirée en famille mais pas une soirée comme les autres, celle de la Saint Sylvestre ! Et pas n’importe où, mais en Bretagne, au bord de l’océan un soir de tempête. Et pas n’importe quand, mais tout juste un an jour pour jour après la disparition de l’une d’entre eux : Marcia, Marcia Hesse. La famille Hesse, c’est d’elle qu’il s’agit. Famille touchée par le deuil, comme tant d’autres, un poids lourd à porter, mais pas ce soir ! Comme le dit la mère de Marcia, Georgia Hesse : « Il faudra bien en parler, on va en parler, je veux en parler ! »
Dire, aimer, oser se le dire, accepter et partager… même la douleur, accepter de voir même dans la nuit, acceptez la part de l’ombre pour mieux se rapprocher de la lumière. Fabrice Melquiot nous offre, ici, un superbe chant d’amour aux femmes et aux hommes que nous sommes.
2, passage du Bureau 75011 Paris