Adaptation des nouvelles de Dorothy Parker
Note d'intention
Etats-Unis, entre deux guerres. Mme Légion reçoit. Une réception comme tant d’autres, à laquelle on décide d’aller parce que de toute façon il n’y a rien d’autre à faire. Et puis, il faut se montrer, et puis il y aura à boire et à manger, à boire surtout. On y croisera ces voyageurs, qui détestent tous les pays à part le leur. On dira du mal des autres, qui nous ressemblent tant.
Il y aura bien sûr Madame légion, qui racontera en détail l’Arabie et les Arabes, bien qu’elle n’ait jamais quitté son état natal. On assistera au drame terrible d’une femme, dont on a osé dire que sa robe la grossissait. Et puis on parlera des noirs, de combien ils sont amusants lorsqu’ils font de la musique ou lorsqu’ils sont acteurs et de combien ils peuvent être ennuyeux lorsqu’ils sont pauvres, sales et malheureux. Mais heureusement que l’on est là pour les aider, malgré leur ingratitude notoire. Et surtout on boira plus que de raison. Et c’est pour cela que demain, sera une mauvaise journée. Mais est-ce bien là la seule raison ?
En 1997, nous avons monté La vie à deux, d’après trois nouvelles de Dorothy Parker. Nous avons joué ce spectacle sur l’impossibilité du couple plus de trois cents fois. Aujourd’hui, dans les nouvelles que nous avons choisies, nous avons voulu nous attaquer à un thème récurrent chez Dorothy Parker : le conformisme, la peur de l’autre et le racisme. Elle dépeint les travers d’une communauté en décrivant très précisément les mécanismes de la pensée unique et fédératrice d’où naît l’exclusion, et de la haine fielleuse qui en découle.
Ce spectacle au thème grave, je l’ai imaginé comme les écrits de Dorothy Parker : vif, pétillant et grinçant. Il n’y a rien d’inéluctable dans les processus qu’expose Dorothy Parker, elle ne fait que nous mettre en garde contre nos vils penchants. Son regard n’est jamais cynique ou misanthrope. Il est juste chargé de cette ironie inconfortable et énergisante, qui empêche la pensée de fainéanter. J’ai donc souhaité que ces personnages ne soient pas de simples stéréotypes mais qu’ils existent en tant qu’individu. Et c’est là un premier défi puisque la quinzaine d’invités présents à la soirée de Mme Légion est jouée par deux acteurs. Dans un monde sclérosé, il est normal d’avoir des traits communs. Et pourtant chacun a sa propre histoire, sa propre identité, sa propre originalité.
Avoir situé l’action des huit nouvelles au cours d’une même soirée, permet de montrer comment les mêmes processus d’exclusion appliqués à des sujets différents(un groupe professionnel, un individu, une race) engendrent des actes de plus en plus monstrueux. La déliquescence d’une société, qui n’a pour seul souci que d’assurer sa pérennité en l’état (c’est à dire sans changement, ni évolution) est soulignée par le degré d’alcoolisation des protagonistes, qui ne fait qu’augmenter au fur et à mesure de la soirée.
Quelques éléments de décors : des mannequins, invités de la soirées, sur lesquels les comédiens prennent, puis posent les costumes de leur personnages, un paravent et des ombres chinoises… De la musique : cette triste musique de fête composée de simili standards de jazz, que l’on s’est amusé à rendre légèrement dissonante.
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