Spectacle en français.
Par son drame psychologique, Médée nous plonge dans un monde où l’héroïne dresse sa pure violence idéaliste contre l’univers matérialiste et opportuniste de son époux, Jason, et de leur « protecteur » Créon. Des mondes divergents s’affrontent dans la démesure et l’extrémisme. Des mondes de passions outrancières qui, à défaut de laisser la raison triompher, se détruisent mutuellement, ivres de leur soi-disant bon droit. L’amour possessif que Médée voue à l’homme auquel elle a lié sa vie et son destin révèle que l’amour n’est pas tant l’affaire des dieux que celle des hommes, excessifs par essence, puisque l’être qui représente l’Amour – en l’occurrence Médée – ira jusqu’à s’octroyer le droit de détruire sur son passage tout ce qui s’y trouve, à commencer par ses propres enfants. Le mystère qui pèse sur ce mythe a fait l’objet de nombreuses interprétations et a inspiré des poètes de toutes les époques.
Pour Thomas Corneille, comme ça l’était déjà pour son aîné Pierre, l’affaire est entendue : seul l’amour fait vivre les êtres humains que nous sommes, et c’est à ce titre qu’il doit avoir tous les droits ; or si tel est le cas, ce qui fait vivre les hommes est aussi bien ce qui les tue, car qui a tous les droits ne se reconnaît plus aucun devoir... L’amour est donc tragique pour autant qu’il est à la fois nécessaire et impossible.
Pour cette nouvelle représentation du chef-d’oeuvre de Charpentier, fruit d’une collaboration entre le chef Emmanuelle Haïm, le metteur en scène Pierre Audi et le plasticien Jonathan Meese, le caractère baroque de l’opéra a été totalement respecté, mais le contenu de l’ouvrage n’en est pas moins passé à travers le filtre d’un regard artistique soucieux de mettre en relief les affinités troublantes qui existent entre deux types de « sociétés du Spectacle » : le protectorat exercé par Louis XIV sur les arts de son temps et le voyeurisme éhonté qui domine les sociétés de contrôle du XXIe siècle. En se transformant en Ange de la mort, Médée ne nous invite-t-elle pas à mettre en question notre éternelle propension à échapper à toutes nos responsabilités ?
Le Concert d'Astrée et le Choeur d'Astrée sont dirigés par Emmanuelle Haïm.
15, avenue Montaigne 75008 Paris