“ Police partout, justice nulle part. ” Victor Hugo
Résumé
Une pièce sur l’injustice sociale
La compagnie Landy Vola Fotsy
De l'essence, de la farine et du théâtre
Les voyages en littérature de Vincent Colin
Hugo à Madagascar
L’innocente Cyprienne et sa mère Etiennette sont sans le sou. L’homme d’affaires Rousseline, menace de saisir leurs biens. Amoureux de Cyprienne, il n’accepte d’effacer leur dette qu’en échange de la fille. La dette est pourtant injustifiée, les deux femmes ne le savent pas mais Glapieu, un vagabond redresseur de torts, découvre la supercherie. Grâce à lui, l’innocence et la justice triompheront !
Mille francs de récompense s’inscrit dans Le Théâtre en liberté - textes que Victor Hugo refusa de donner à la scène de son vivant. Ces pièces exigeaient des conditions de liberté impossibles en 1866. C'est un théâtre de divertissement au sens brechtien du terme. Il amuse et provoque la réflexion.
Mille francs de récompense est une pièce sur l’injustice sociale, un flamboyant mélodrame politique où un vagabond déjoue le traquenard d’un homme d’affaires attaché à ruiner une famille honnête et à s’emparer d’une jeune fille innocente.
Drôle et tragique, Mille francs de récompense est un conte cruel fait d’injustices et de désirs, un pamphlet dénonçant la place prépondérante de l’argent, du monde des affaires et des banques, où l’amour ne trouve pas la place qui lui revient.
Intégrant masques et musique, c’est un moment de théâtre étonnant où les acteurs aux accents chantant s’approprient avec une apparente simplicité l’univers d’Hugo dont la pensée est toujours d’actualité. L’un des moments les plus chaleureux de la saison.
Les quinze comédiens-musiciens de la célèbre troupe malgache Landy Vola Fotsy dirigée par Doly Odeamson, sont organisés sur le modèle d’une coopérative ouvrière. Très familiale, largement rurale, la troupe a son port d’attache dans le village d’Ambahitahara, à une vingtaine de kilomètres d’Antananarivo. Elle sillonne la grande île depuis plus de vingt-cinq ans, au nom d’une utopie de la culture améliorant l’homme.
Selon Doly Odeamson, “ C’est à croire que Victor Hugo a écrit sur la situation à Madagascar aujourd’hui. Des riches qui affament les pauvres, des filles qu’on exploite. Hugo nous ouvre les portes de la liberté. ”
Après la disparition d'Odeam Rakoto, fondateur d'un théâtre itinérant malgache et grand admirateur de Molière dont il adapta nombre de comédies, ses enfants créent la troupe Landy Vola Fotsy en 1975. Fidèles à l'esprit de leur père, ils réunissent autour d'eux une troupe de comédiens-musiciens-chanteurs autodidactes et font découvrir à un public rural les grands auteurs du répertoire occidental adaptés dans le style Hira Gasy et des créations collectives : Taxi-Brousse, Famadihana, Tsanga-Nofy.
Hira Gasy est une forme d’art populaire typiquement malgache. C’est une forme de spectacle total qui associe théâtre, chants et danses sur des thèmes ou canevas fixes ou improvisés, touchant aux thèmes d’actualité, voire de critique sociale, mais aussi de l’amour ou de la sagesse populaire. Les troupes sont itinérantes, composées d’une vingtaine de personnes.
Ce spectacle n’a pas été conçu, comme à l’ordinaire, par un metteur en scène qui s’entoure d’une équipe et choisit la distribution. C'est la compagnie Landy Vola Fotsy qui a porté ce projet. Elle s'est mise au travail, a distribué les rôles parmi les 14 comédiens de la compagnie et chacun d'entre eux s'est mis au rude apprentissage de la langue hugolienne.
La compagnie Landy Vola Fotsy caressait l'ambition de faire découvrir Hugo à ses compatriotes. Le bicentenaire de la mort du poète fournissait l’occasion au Centre Culturel Albert Camus de Tananarive, de leur passer une commande pour jouer la pièce Mille Francs de récompense.
Mais, à peine les premières répétitions commencées, les événements politiques survenus à Madagascar début 2002, en décidèrent autrement. Barrages routiers, crise, plus d'essence, plus de farine, plus de sel… et plus de Victor Hugo.
Le Centre Dramatique de l’Océan Indien proposa alors de les accueillir en résidence à La Réunion, pour monter dans une joyeuse urgence, (deux petites semaines de répétitions), cette grande pièce du répertoire hugolien. Certains comédiens de la troupe, ne parlant pas français, ont appris leurs répliques par cœur, après un long travail de traduction et d’explication du texte. C’est cette même aventure théâtrale que nous vous proposons de découvrir aujourd’hui.
Si la vie a repris son cours à Madagascar, les cyclones continuent de s’abattre sur eux. Les Malgaches, oubliés du monde dans leur île, continuent de rêver de théâtre. Bien que la disproportion des moyens entre eux et nous soit immense, je suis persuadé que nos amis malgaches sont riches de quelque chose qui nous manque ici, en France : la volonté et la conviction. Venez puiser à votre tour, leur force et leur désir tenace de servir la parole d’un grand poète.
Vincent Colin, metteur en scène
S’il y a bien une vocation propre à Vincent Colin, et qui dérive de Blaise Cendrars, c’est bien celle de bourlinguer, de fomenter de grands voyages en littérature, de battre les cartes géographiques, là où on ne s’y attend pas, mettant Molière à l’heure de Hanoï, mariant Cocteau à l’Océan Indien, invoquant Tocqueville, le plus visionnaire français des Etats-Unis.
Aujourd’hui, il est malgache de tout son cœur, dramaturgeant Hugo avec la plus émérite des troupes de terrain de la grande île et dans les conditions hélas que l’on imagine bien.
Cette œuvre, écrite dans l’exil de Guernesey il y a 168 ans, demeure juvénile, impertinente, contemporaine. Revisitée par la compagnie Landy Vola Fotsy, elle s’inscrit dans cette rencontre de notre langue avec d’autres cultures qui est ma raison d’être au TILF.
Gabriel Garran
À Madagascar également les écrits du poète ont marqué l’éducation des jeunes malgaches. Notre enfance a été bercée par Ruy Blas, Notre Dame de Paris ou Les Misérables. Après avoir porté Molière, Brecht, Prévert, sur les pistes du Grand Sud malgache, nous voudrions accompagner aujourd’hui l’auteur des Misérables chez nos Gavroches locaux.
Nul doute que ses propos sur l’injustice et la liberté aient ici la pertinence qu’ils ont eu dans les temps troublés du Second Empire. Dans notre île, hélas, ce combat n’est pas terminé, mais cette pièce peut aider à la victoire de ces idées-là.
Ce mélodrame comique est d’une singulière actualité. Les voleurs n’y sont pas les moins honnêtes, le banquier est bon et naïf, les jeunes sont courageux. Les illusions sont trompeuses et le chemin vers la justice est semé d’embûches. Nous avons raccourci les passages trop longs, mais sans perdre le ton et le style de Victor Hugo, nous allons essayer de "re-créer" la pièce, selon notre vision capricornienne et dionysienne.
Doly Odeamson, directeur artistique de LVF
211, avenue Jean Jaurès 75019 Paris