L’histoire se déroule dans une petite ville du nord de l’Italie, entre Gênes et Milan. Il y a deux ans peut-être, ou trois.
1 heure du matin :
une jeune fille, Elisa Orlando,
est assassinée et son corps
est jeté dans un fossé.
3 heures du matin :
un jeune homme, Boy,
sort de boîte de nuit,
il a un accident et découvre le cadavre.
4 heures du matin :
les policiers déterminent
la cause de la mort :
“la victime est morte…
suite aux coups et blessures.”
Une enquête éperdue s’engage. Seize heures plus tard, le crime est résolu. Le sang, la cocaïne, le sperme, les larmes révèleront la violence de l’argent, du pouvoir aveuglé par lui-même, des transactions sexuelles et des désirs morbides.
Acteur, metteur en scène, traducteur de Shakespeare et Pinter, scénariste, Fausto Paravidino est à trente ans la révélation de la scène italienne. Auteur d’une dizaine de pièces, il expérimente à chaque fois une forme nouvelle tout en affirmant un engagement politique fort.
Le texte de la pièce est publié aux Editions de l’Arche. Mise en scène collectif DRAO.
Fausto Paravidino est un jeune auteur en colère Les politiques qui se désengagent, les médias qui ne sont que des vendeurs... Pour lui, la violence a tout envahi, même la cellule familiale. Et de sa colère, il a fait un poème, un poème tout à la fois théâtral, burlesque et macabre, un poème à six voix. Et de ces six voix : le boy, le cop, la mother, le pusher, le boy friend et la bitch, c'est toute une petite ville italienne qui se met à vivre sous nos yeux au rythme effrayant d'une enquête policière.
Construite comme un oratorio, la pièce joue de la parole et de l'image. Il y a six voix donc, mais plus de 25 personnages participent en fait à cette course contre la montre. Il y a ce qui est dit et ce qui est montré, celui qui parle et celui qui se tait. En bouleversant ainsi la structure théâtrale et en puisant dans l'univers du roman noir, Fausto Paravidino réinvente les possibles du théâtre. Il place la question fondamentale de l'enfance : "j'ai peur mais de quoi, de qui ?" au coeur de sa pièce.
L'angoisse de mort se déplace sur l'angoisse de ne pas savoir. Il crée ainsi un rapport d'immédiateté dans le contact avec le spectateur. L'utilisation du présent nous plonge en plein crime : le suspense, c'est l'instant présent. Et comme il "est" profondément un homme de théâtre, son meurtre est un meurtre appartenant aux mythes fondateurs : ses personnages sont populaires, issus d'une modernité angoissante mais ils rejouent indéfiniment l'histoire d'Iphigénie et d'Agamemnon.
Il y a eu meurtre, le destin de l'une va-t-il bouleverser pour tous l'ordre établi ? Nous nous saisissons de sa colère et de son poème. Nous imaginons cette "nature morte" sur la vaste scène d'un plateau nu, pas de scénographie arrêtée pour restreindre la fable noire de Paravidino, seuls les murs du théâtre pourront stopper l'invasion des figures. Les personnages de la pièce par leur langage, leurs silhouettes se suffisent à eux-mêmes pour donner vie à ce monde de putes, de dealers, de flics, de petites jeunes filles assassinées.
Nous serons sept pour incarner les 25 personnages, et parce que le théâtre rend parfois les morts plus vivants que les vivants, le cadavre d'Élisa sera de chaque instant, comme une figure rêvée. Oui, travailler le rêve comme un principe de mise en jeu, engager les corps en approfondissant le travail commencé dans Push up avec le danseur acteur Gilles Nicolas. Des silhouettes engagées et déterminées : les figures de ce cauchemar et tout leur attirail : la table familiale, la perfusion du flic, les talons des putes qui arpentent les abords du périphérique...
Catherine Cosme qui avait participé à la scénographie de Push up travaillera à la réalisation de ces accessoires. Et pour accompagner l'espace réel du théâtre, les silhouettes, les objets, nous imaginons un travail très développé en lumière. Un découpage de l'espace qui s'adaptera à chaque plateau et accentuera encore les figures. Mais également, un travail sur la définition d'atmosphère comme sur de la pellicule, procéder à un véritable étalonnage : dans la pièce de Paravidino il y a le noir et blanc surexposé d'un film de Pasolini, comme autour de la figure maternelle de Mamma Roma le ciel est si blanc qu’il aveugle et en contraste, le technicolor de Tarantino le sang brille et il enivre.
La cacophonie des sirènes de flics, les pneus qui crissent aux abords du périphérique, le silence d'un repas conjugal, le rythme du secret et de l'intrigue, donner à entendre les pulsations de l’enquête et de l’angoisse... le son : un partenaire à part entière. Mais il s’agit bien de théâtre et les coups de gueule et de gouaille de Dario Fo ne sont pas loin.
Quand nous avons commencé à travailler ensemble, il nous semblait essentiel de conserver une certaine légèreté en s'adaptant à chaque nouveau lieu, ça nous permettait également de nous sentir toujours fragiles, même après un grand nombre de représentations. Notre point de vue n'a pas changé. Nous souhaitons utiliser le plateau de théâtre avec tous ses moyens, tous ses recoins et si ces moyens diffèrent de ville en ville tant mieux, le travail évoluera sans fin. Nous décidons pour la troisième fois de réunir nos sept imaginaires et de faire acte de mise en scène et d'interprétation ensemble.
Le collectif DRAO
3, place du 11 Novembre 92240 Malakoff
Voiture : Périphérique, sortie Porte de Vanves ou Porte Brancion puis direction Malakoff Centre-ville.