Never, never, never. C’est par cette citation de Shakespeare que répondait l’Esprit – invoqué un soir de 1956 lors d’une séance de spiritisme – au poète britannique Ted Hughes et à son épouse la poétesse américaine Sylvia Plath, lesquels lui avaient demandé quel était le plus grand vers jamais écrit par un poète anglais.
Une longue nuit de 1984 – veille du jour où il va se voir décerner le titre de poet laureate – Ted reçoit tour à tour la visite de deux femmes : son épouse Sylvia, morte suicidée vingt et un ans plus tôt, et Assia, « l’autre femme », qui remplaça – ou plutôt ne remplaça pas – Sylvia et qui se tua, elle aussi, six ans plus tard, tandis que grandissait la célébrité posthume de la première.
Never, Never, Never s’inspire des vies de Ted Hughes, Sylvia Plath et Assia Wevill, et traite d’un sujet bien plus universel : la perte d’êtres chers et la réconciliation avec un passé douloureux. En ce sens, aucun savoir sur la vie ou l’œuvre des trois personnages n’est pré-requis pour appréhender ce qui se joue dans ce huis-clos simultanément féroce et tendre.
Le vivant (Ted) est balloté par la présence de ces deux femmes aimées et défuntes. Ces trois désirs anciens, toujours brûlants, tentent de reconstituer face à nous leur histoire par le biais du langage, sans jugement. Leurs voix traversent les murs, les époques, deviennent corps et actions. Comme dans un palais des glaces où visages, images, lieux et souvenirs se voient diffractés à l’infini, on tourne autour des personnages, qui eux-mêmes tournent les uns autour des autres.
D’où la sensation de perspectives mouvantes, qui font de cette histoire singulière et intime une histoire collective, renvoyant chacun à l’expérience universelle de la perte, au fonctionnement de la mémoire dans le travail de deuil, et à la fonction réparatrice du langage face aux trous noirs des non-dits.
C’est à une traversée intense que nous souhaitons convier le spectateur, en vue de lui faire vivre ce voyage dont les personnages sortiront libérés et apaisés.
L’atmosphère instaurée par la mise en scène sera singulière et captivante, dès son amorce, afin que le public puisse plonger dans la représentation en retenant son souffle, avec cette impression diffuse que si un geste ou un son brusque se propageait dans cet espace/temps de la hantise, les images fugaces de cette mise en scène pourraient bien disparaître. Car c’est sous le regard bienveillant et attentif du public que pourra se déployer l’histoire de ces trois êtres.
Ted : Sylvia ?
Sylvia : Oui, Ted.
Ted : Tu es là…
Sylvia : Comme toujours.
Ted : Je passais par hasard et…
Sylvia : C’est toi qui ne viens pas, tu sais pourtant où me trouver.
Ted : À vrai dire, je ne passais pas par hasard je me suis retrouvé là, au numéro 23 et tout de suite après, sans que m’en soit venue l’envie ou l’idée, sur la dernière marche du perron. À droite, près de la porte d’entrée j’ai reconnu la plaque bleue, avec le nom du poète irlandais. Dans ma main, j’ai senti la clé.
Sylvia : Tu vois ce n’est pas sorcier.
Ted : Ce n’est pas une question de volonté, tu sais bien, ça va ça vient, c’est une porte ouverte ou fermée.
13, rue Pierre Sémard 94400 Vitry-sur-Seine