En choisissant d’abandonner les sujets classiques ressassant les « mythes éternels », John Adams a apporté un souffle nouveau au monde de l’opéra. Des œuvres comme La Mort de Klinghoffer, qui traitait du problème israélo-palestinien, ou plus récemment Doctor Atomic, portant sur les essais de la première bombe, situent définitivement Adams comme un créateur baignant dans notre époque.
Pour sa première incursion dans le domaine lyrique, John Adams avait choisi la visite en Chine du président américain Richard Nixon en 1972. Ce projet, amorcé en 1982, sera créé à Houston en 1987, l’ouvrage obtenant immédiatement un énorme succès.
« Tout à la fois épopée, satire, parodie de posture politique et examen sérieux de problèmes historiques et philosophiques, voire des relations entre les sexes », précise John Adams, cette rencontre – subtilement traitée par la librettiste, la poétesse Alice Goodman – met en lumière l’ambiguïté et la vanité des grands de ce monde. Dans cet opéra, John Adams fait une référence à la musique chinoise dans le passage où les Nixon assistent au ballet Le Détachement féminin rouge, « pièce modèle révolutionnaire », dont l’auteur n’était autre que Madame Mao.
Cet « opéra héroïque en des temps qui ne le sont pas », selon les mots de John Adams, n’a cessé depuis d’être représenté, preuve de la vitalité de cette œuvre résolument contemporaine.
Direction musicale : Alexander Briger
Ensemble Orchestral de Paris, Choeur du Châtelet
« Après un relatif temps mort dans les années 1980, l’opéra américain fait à nouveau parler de lui en 1987, avec Nixon in China, qui est immédiatement considéré comme une pierre de touche de l’histoire du genre [...]. Nixon in China fut considéré comme l’avatar le plus marquant d’un genre, le « docu-opéra », consistant à prélever les mythologies d’un livret dans l’histoire contemporaine plutôt que dans les mythes éternels [...].
La rencontre, en 1983, avec le metteur en scène Peter Sellars est décisive ; sans elle, Adams n’aurait peut-être jamais abordé ce genre que, en tant que mélomane, il n’a jamais affectionné. [...] A la grande surprise du compositeur, Sellars lui suggère de bâtir un opéra sur le thème du voyage historique du président Richard Nixon en Chine. «J’ai mis du temps à réaliser combien cette idée était brillante» avoue John Adams. En 1983, Nixon était devenu le sujet de mauvais numéros de comédie trop attendus, et il m’était difficile de faire la part des choses entre ma propre animosité (il avait essayé de m’envoyer au Viêtnam) et une vision historique plus large. Mais lorsque la poétesse Alice Goodman a accepté d’écrire un livret en vers rimés, le projet a soudainement pris une allure merveilleusement complexe, tout à la fois épopée, satire, parodie de posture politique et examen sérieux des problèmes historiques, philosophiques, voire même ceux entre les sexes. Tout ceci concentré sur six personnages [...]. N’était-ce pas, tant du point de vue de la narration que de celui de la caractérisation dramatique, quelque chose qui ne pouvait être traité que par le genre du grand opéra ?»
[...] Dans un entretien au Monde, Alice Goodman précisait, peu avant la première française de Nixon à la maison de la culture de Bobigny, en décembre 1991 : « A l’intérieur de notre trio, les divergences politiques sont profondes... C’est en l’occurrence positif : mes livrets s’en nourrissent ».
[...] En dépit de la propension d’Alice Goodman à contredire le célèbre adage Primo la musica, doppo le parole, Adams reconnaît : « selon moi, le poème d’Alice Goodman est l’une des grandes œuvres encore méconnues du théâtre américain. Ses vers sont un concentré incantatoire de l’expérience américaine, et son Richard Nixon est le président « Monsieur Tout-le-monde » : banal, pathétique, sentimental, paranoïaque ».
Extraits de John Adams de Renaud Machart aux éditions actes Sud/Classica (2004 - 160 pages).
1, place du Châtelet 75001 Paris