Mémorandum théâtral
La journaliste Anna Politkovskaïa
Extrait de la pièce
A partir des propos d’Anna Politkovskaïa, Stefano Massini relate sous forme de notes quotidiennes, d’interviews, de correspondances, le combat mené par la journaliste russe assassinée à Moscou le 7 octobre 2006. Il construit ainsi, avec un rythme soutenu et varié, un mouvement dramatique à la hauteur de l’engagement de cette femme. Anna Politkovskaia était le symbole d'un journalisme d'exception et non seulement le symbole de la liberté de la presse, mais de la liberté en général. Elle interpelle la conscience de ses contemporains.
"Quand le théâtre se révèle incontournable parce qu'une écriture prend le temps de nous faire rencontrer une autre réalité, c'est celle de notre monde qui nous est renvoyée. Si je devais définir mes choix pour les projets, je répondrais que ce sont les textes ou scénarios qui s’imposent à moi, que je me sens convoquée lorsque la question du choix ne se pose pas. Après bien sur, d’autres questions, toutes les questions se posent…." M. Perrier
Adaptation : traduction de Pietro Pizzuti, éditions de l’Arche.
Née à New-York en 1959, Anna Politkovskaïa est fille de diplomates. Après des études de journalisme à Moscou, elle commence sa carrière au journal Izvestia. Elle est la seule journaliste russe à avoir couvert la deuxième guerre de Tchétchénie. Depuis 1999, elle écrit des articles pour le journal en ligne Novaïa Gazeta.
Anna Politkovskaïa est détenue plusieurs jours en février 2001 par les forces russes en Tchétchénie dans la région de Chatoï, pour avoir « enfreint les règlements en vigueur pour les journalistes », alors qu'elle effectuait une enquête sur un centre de détention de l'armée. Elle participe aux négociations lors de la prise d'otages du théâtre de la rue Melnikov en 2002 à Moscou. Lors de la prise d'otages de l'école de Beslan en 2004, la journaliste est empoisonnée dans l'avion qui l'amène à Rostov-sur-le-Don, alors qu’elle allait participer aux négociations avec les preneurs d'otages.
Pour son courage dans la recherche de la vérité, ne cédant jamais aux nombreuses menaces de mort, Anna Politkovskaïa acquiert une grande notoriété dans le monde occidental. Elle n’a cessé de dénoncer les violations des droits de l'Homme dont se rendaient coupables les forces fédérales en Tchétchénie, ainsi que la milice de Ramzan Kadyrov. Dans son dernier ouvrage, Douloureuse Russie, véritable réquisitoire contre la politique de Vladimir Poutine, la journaliste prédit que si une révolution éclate en Russie, elle ne sera ni orange, ni de velours, mais rouge comme le sang.
Anna Politkovskaïa est assassinée le 7 octobre 2006 à Moscou, jour de l'anniversaire du chef de l'Etat Vladimir Poutine. Son corps est découvert dans la cage d'escalier de son immeuble, dans le centre de Moscou, un pistolet et quatre balles sont retrouvés à ses côtés. Anna Politkovskaïa, mère de deux enfants, est la 21e journaliste assassinée en Russie depuis l'élection de Vladimir Poutine en 2000.
Chers Messieurs,
Vous m'écrivez que je suis une ennemie, et pour cela vous me menacez jusque dans les colonnes d'un journal. Je vous réponds que je le suis, c'est vrai. Ennemie d'une armée de criminels recrutée dans la pègre de Moscou. Ennemie de ceux qui violent, saccagent et volent. Si vous êtes vraiment fiers de ce que vous faites, si vous êtes convaincus d’être dans votre droit, très bien : retirez vos passe-montagnes, ça suffit avec l’anonymat, regardez-moi dans les yeux et dites-moi que j’ai tort.
Votre dévouée,
Anna Politkovskaia.
Lettre ouverte par les militaires du 68ème Corps de l’Armée russe en Tchétchénie. Extrait de la réponse d’Anna Politkovskaia publiée dans le journal de Sakhalin.
35, rue Léon 75018 Paris