Sous le titre générique Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, le spectacle proposé ici s’inspire de la vie et de l’œuvre de Stig Dagerman. Il ne prétend ni à l’exhaustivité ni à l’objectivité. Mettant en scène deux personnages, une traductrice et une journaliste, jouant sur les époques, recourant à des moyens de communication qui ne cessent, paradoxalement, de nous isoler, ce spectacle tente, sans en détenir la clé, d’évoquer la destinée, telle une étoile filante, d’un écrivain à la voix singulière, désespérée.
Une telle démarche, en ce temps de « culture des loisirs » et de médiatisation de l’inconsistance, peut paraître décalée. Mais on ne se refait pas. Que la question du sens s’absente d’une société en plein désarroi n’enlève rien à la nécessité d’en débattre.
Transmettre au présent une pensée d’outre-tombe. Mémoire testamentaire, mais surtout mémoire vive. Écriture figée et pourtant réinventée, en devenir. Les mots, le cœur de chacun, pour ne pas dire l’âme devraient en être rempli. On en viendrait à une scène tel un espace hanté, sentiment de beauté, d'impuissance aussi devant le geste ultime d’un écrivain dont la lumière, aujourd’hui encore, irradie qui en accepte l’exigence.
Stig Dagerman est né le 5 octobre 1923.
En 1945, à vingt-deux ans, il publie son premier roman, Le Serpent, accueilli par une critique enthousiaste. Suivent le roman allégorique L’Ile des condamnés, sa première pièce de théâtre, Le Condamné à mort, un livre de reportages, Automne allemand et un recueil de nouvelles, Les Jeux de la nuit. Le Condamné à mort paraît en 1948, ainsi qu’une seconde pièce, L’Ombre de Mart, sous le titre commun, Drames de condamnés. Cette même année paraît son troisième roman, L’Enfant brûlé, dont la version dramatique, Personne n'y échappe, est publiée en 1949 avec une quatrième pièce, L’Arriviste, sous le titre commun, Drames de Judas. Son quatrième et dernier roman, Ennuis de noce paraît également en 1949.
Puis c'est le silence. Il a vingt-six ans.
Le 30 mars 1952, la revue Husmoden, lue par les femmes de la bonne société, publie ce que d’aucuns considèrent comme son testament poétique, la brève et intense confession d’un enfant du siècle auquel ni l’anarchisme ni l’existentialisme n’ont offert une raison de vivre : Notre besoin de consolation est impossible à rassasier.
Le 4 novembre 1954, à l’âge de trente et un ans, Dagerman s'enferme dans son garage, fait tourner le moteur de sa voiture et se laisse asphyxier. Il semble qu'il ait fait un dernier effort pour arrêter le moteur et sortir, mais il était trop tard.
Jean-Claude Amyl
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