Trois fois l'histoire d'un homme
La dureté des temps et la chaleur de l’autre
Extrait
C'est trois fois l'histoire d'un homme, Ohne, qui perd son boulot. Il se retrouve seul, avec son savoir - qui est très mince - face à une administration en charge de l'emploi et de la misère, face aux formulaires qu'il faut remplir, face à l'employé administratif…
Seulement Ohne souffre d'une incapacité à employer le langage comme tout le monde. Le premier Ohne, de la première histoire, c'est Ohne S., qui parle sans sujet. Le deuxième Ohne, de la deuxième histoire, c'est Ohne V., qui parle sans verbe. Le troisième Ohne, qui servira à raconter la même histoire mais d'une troisième façon, c'est Ohne W., qui parle sans compléments - il utilise les attributs, les adverbes, les prépositions… mais aucun complément d'objet, de lieu ni de temps.
C'est donc trois fois l'histoire d'un homme que sa méconnaissance des mots marginalise totalement.
Dominique Wittorski
Ohne met en scène, en les mêlant, le tragique de l’exclusion et le burlesque qui peut naître des efforts pour la combattre. Ohne, héros d’un face-à-face terrible avec l’Administration, lutte avec son langage diminué, il est pathétique et drôle, incisif ; il bouscule tout par ses raisonnements et force l’écoute. Les employés lui répondent avec leur assurance réglementaire, ils sont comiques, terrifiants, et finalement touchants dans leur essai de comprendre et d’aider.
Chacun est à la fois ouvert et fermé, le mélange nous fait rire, d’un rire grinçant qui nous renvoie à la dureté des temps et à la chaleur de l’autre.
L’Employé : Ne restez pas là, monsieur ! On ferme.
Ohne : Surveille lo p'tit cadran.
L’Employé : Le p'tit cadran ?
Ohne : Là-haut.
L’Employé : C'est l'heure de rentrer chez vous.
Ohne : M’avez dit surveiller lo p’tit cadran jusqu’à l’entretien.
L’Employé : Oui, c’est très bien. Mais là, les entretiens sont terminés. Fin de journée.
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