Manifeste
Pièce en douze
tableaux pour dix comédiens et une télé
Un espace double, deux espaces isolés
Mise en
" jeu ", mise en mouvement
La Compagnie
Dialogue entre amis
- Tu vas à Avignon cet été ?
- Non, à Vitry.
- Ah ? Tas dla famille là-bas ?
- On peut dire ça.
- Mais Avignon, vous le faites pas ?
- Non.
- Tas tort.
- Ah ?
- Ouais ! Cest quand même le must du must !
- Ah ?
- Ouais ! Cest vraiment le top de lart ! Cest là où il faut aller pour
être vu !
- Et vous jouez où ? ...Pour être vus.
- Ben... Y restait les chiottes du Palais alors on a dit : Banco !
- Ah.
- Ouais. Super, non ?
- Combien ?
- Cinquante mille.
- Ah.
- Ouais !
- Tu connais Vitry ?
- Le sud, cest ça ?
- Cest ça. À dix minutes de Saint Michel. Soleil garanti tout lété. Plage
de pavés. Transat. Ptit coin repas-concert sous les arbres et puis y a une grande
gare désaffectée avec cinq ou six salles de spectacle.
- Ah ?
- Ouais ! " Le must du must ". De la danse, du théâtre, de la vidéo, de la
musique tout lété.
- Ah.
- Ouais.
- ... Mais cest une manifestation ?
- On peut dire ça. Une manif qui dure trois semaines.
- Cest louche ton truc... Faut adhérer à un parti ou un truc dans lgenre,
non ?
- Non. Tu ne vas pas à Avignon. Tu vas à Vitry. Cest tout.
- Mais... quand même Avignon...
- Tu sais, gars, à un moment, dans sa vie, faut choisir entre les chiottes et les pavés,
tu vois ?
- Vitry, tu dis ? ...
Pièce en douze tableaux pour dix comédiens et une télé
Nous sommes en lan 2000. Jai 22 ans. Je me lève, allume lordinateur, consulte mon e-mail, sors acheter des cigarettes, croise mon voisin de palier dont je ne connais toujours pas le prénom, achète le journal pour y lire que Pinochet prend des vacances au bord de la mer, je suis en retard (déjà), je prends le métro parce que le bus cest trop lent, bon, il y a des clochards, mais " désolée, pas de temps, ni dargent ", mais je ne les regarde plus, jai lhabitude, je vais travailler dans un restaurant (il faut vivre) où je cours pour servir des clients, trop pressés pour dire bonjour ou merci, je rentre vite maffaler devant la télé et regarder les infos en continu sur LCI, nouveau massacre en Tchétchénie je téléphone à Constance parce que je nai pas encore parlé à quelquun aujourdhui, trop fatiguée pour surfer sur le net, je mendors.
Aller vite, ne pas regarder derrière, ne pas regarder autour : pas de temps et puis çest effrayant.
ON SE CONNAÎT ? cest une furieuse envie darrêter la course, de braver ces lois modernes, de les montrer, de les dire, den rire peut-être Une absolue nécessité de DIRE notre détresse, notre impuissance, notre désir de dialogue, déchange, notre besoin de poésie
Parler, raconter notre monde, comme on le voit, comme on laime et comme on le déteste, ses règles et ses rêves.
ON SE CONNAÎT ? cest mon histoire, notre histoire. Acteurs dune société consommatrice, multimédiatique, spectateurs, somme toute indifférents, de ses dérives et vice-versa !
ON SE CONNAÎT ? cest un regard que lon porte sur soi, un regard que lon porte sur lautre, un regard sur le monde, un regard dur, mais empreint de drôlerie, à la fois tendre et cynique
" Il mest difficile aujourdhui de croire à un monde rempli de vivants, difficile de croire que nous pouvons être heureux dêtre là pour être là.
Il ny a pas longtemps, javais la vision quon prenait tout le monde sur une énorme photo et au-dessus était inscrit : " une bande de cons ". Et puis en regardant bien, jy ai vu ma tronche. Sortons de la photo de famille. Famille déçue, absorbée de troufignoleries, le regard mort et la bouche pleine de justice, égalité, fraternité, humanité.
Je veux encore croire que nous sommes fous, maladroits dans lart de vivre et non pas des hypocrites condamnés à être des crétins. "
Véronique DUMONT
Un espace double, deux espaces isolés
Lidée est de créer, dinstaller un lieu de " re-présentation " qui soit à la fois un espace divisé : celui de la confrontation et un espace commun : celui du dialogue.
Deux espaces isolés : dun côté, les spectateurs, de lautre, les acteurs. Les uns regardent les autres.
Un espace double : les spectateurs sont tour à tour spectateurs et acteurs, les acteurs, tour à tour acteurs et spectateurs. On se regarde, on sécoute.
Tout au long du spectacle, se succèdent tableaux de la vie quotidienne (les transports, soirée, entre amis ) et faits divers annoncés par un média. En plaçant lélément média (télévision ou comédien dans le rôle dun journaliste) dans le public, on peut établir un premier lien entre les deux parties et aboutir peut-être à un questionnement.
Les spectateurs seront spectateurs dun jeu : celui de la vie quotidienne et acteurs dune réalité médiatisée, inversement pour les comédiens.
Lequel des deux spectacles a une action sur ses spectateurs ?
À lheure où lon peut poser la question de la réalité de tout fait médiatisé (tant on y est indifférent), peut-on être sensible à un objet artistique qui transcende ou décale une réalité quotidienne ?
Mise en " jeu ", mise en mouvement
Le décalage sétablira par la signification du jeu, la distanciation : dans linterprétation et dans la chorégraphie.
Nous travaillerons à partir dimprovisations, dexercices sur le clown, sur le bouffon pour créer des personnages de la vie quotidienne sans sinscrire dans un réalisme ou un naturalisme du quotidien. Chaque comédien interprètera plusieurs personnages et signifiera, marquera la prise en charge dun personnage par lapport dun accessoire particulier au personnage en question (ou par un autre procédé à définir).
Dans la même optique, nous travaillerons sur le mouvement avec une chorégraphe. Dans un premier temps, le travail chorégraphique sera parallèle à la création des personnages : travail du corps, du mouvement par rapport à un personnage.
Puis nous travaillerons sur le mouvement du spectacle en lui-même : la chorégraphie, le mouvement de chacun des tableaux, toujours dans le souci de séloigner de ce qui serait une peinture naturaliste de notre vie quotidienne.
La compagnie DU ZIEU DANS LES BLEUS a été formée en octobre 98 à loccasion de la création de LARME BLANCHE, spectacle autour de textes de Joël Jouanneau, Michel Azama et Eugène Durif, conçu et mis en scène par Nathalie Garraud. Il est repris, avec laccord des auteurs, en avril 99 à lÉcole Spéciale dArchitecture, puis en Gare au Théâtre à Vitry-sur-Seine pour "Nous nirons pas à Avignon" en juillet 99.
La compagnie participe en septembre-octobre aux "Petit, petit, petit 99" (4ème rencontre de théâtre au m2) en Gare au Théâtre à Vitry-sur-Seine : création de DOUX VIENT LE VENT de Thomas Bompard (mise en scène Nathalie Garraud).
À la demande de lassociation La Page Blanche, la compagnie a présenté, en janvier 2000, au Festival "Les femmes et les enfants dabord" au Théâtre des Songes la création dune pièce dAgathe Poirier : PETITE HISTOIRE (mise en scène Nathalie Garraud).
La compagnie travaille en ce moment à la création de deux spectacles : HALEINE MATINALE, pièce chorégraphique pour 4 danseurs, un comédien et un violoniste (argument et chorégraphie Aymeric Guiluy).
ON SE CONNAÎT ?, pièce en douze tableaux, pour dix comédiens et une télé, dAgathe Poirier.
Le travail est axé sur la recherche de nouvelles formes : écriture, scénographie, chorégraphie, interprétation Quels langages artistiques utiliser, inventer en parallèle à lévolution de notre société, de ses modes de communication et de fonctionnement ? Quel dialogue établir et comment ?
13, rue Pierre Sémard 94400 Vitry-sur-Seine