Dans leur îlot vert, cinq lutins passent le temps, enfilent les jours comme les perles. Quotidien nourri de routines huilées ; on coud des vêtements depuis les éléments naturels ramassés dans les bois. On réchauffe la tambouille, on se balance dans le rocking chair, on tourne en rond dans le pied-à-terre. L’ennui gagne.
On découvre alors l’héritage d’oncle Gourdin, des textes. Et les lutins s’adonnent à un jeu nouveau : lire, jouer, faire ce qui s’apparente à du théâtre. Ils s’essaient à Brecht, Pasolini… Les lutins adaptent, s’engueulent, et s’entre-tuent. Le théâtre commence enfin sur des cadavres, il naît sur les charniers. Mauvais génies ou erreurs de la nature, ces elfes des bois affichent ventres ronds et barbichettes sales.
Jeunes à trois cents ans, ils jouent avec nos nerfs et nos mauvaises consciences. Ils réveillent ceux qu’ils appellent nos « enfants intérieurs », sales gosses, casseurs de vies parfaites.
Oncle Gourdin, titre choisi pour l’insolence, la franchouillardise, le mauvais goût qui donne envie d’y revenir. Ils raffolent des monstres, Sophie Perez et Xavier Boussiron. Scénographes, alchimistes fous, poètes dangereux, ils mettent en scène des univers lascifs, un peu dégueux. Chez eux, les Freaks de Browning jouent avec des allumettes près des bonbonnes à gaz d’un John Waters non assagi et d’une Louise Bourgeois dévergondée.
Ils ont réalisé Mais où donc est passée Esther Williams, Laisse les gondoles à Venise d’après Lorenzaccio, Enjambe Charles, Gombrowiczshow, Deux masques et la plume… Avec six performeurs, Perez et Boussiron posent la question de l’essence de l’acte artistique comme on pose une bombe dans un lieu public. Leurs lutins accouplent la créature de Frankenstein et celles de Jérôme Bosch. Fusionnent le chant grégorien et le free jazz dans un bordel joyeux, où chacun viole gaiement son enfant intérieur, histoire de foutre la paix à ceux qui vont grandir dans un monde sans fées ni elfes à détrousser.
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