Habité de musique et de peinture, de fragments de textes et d’apparitions, François Tanguy continue son travail de fugue et variations autour du sens, de l’absence de sens, et de notre humanité pantelante, dans un travail toujours aussi méticuleux et éclatant.
(...) parce que quelque chose toujours sourd là-dessous (dessous quoi ? dessous le monde ? dessous la scène trop tyrannique du monde dit réel ?) : une conversation reptilienne et infinie, exactement comme dans le théâtre de François Tanguy, fait de tant de voix fragmentaires et fantomatiques, d’intensités musicales ou chromatiques : dans l’épaisseur d’un plateau devenu kaléidoscope, rempli de cadres, de châssis et de recoins picturaux, serpente ce long fil qui relie tous les hommes, mélodie souterraine à laquelle nous voilà invités : Onzième fait écho au onzième quatuor de Beethoven, forme discrète qui obombre la scène ou la colore, en tout cas où le sens, en deça de tout commentaire et de toute prescription, ne saurait être régi par autre chose que le désordre plein de notre condition, où l’inquiétude de Dostoïevski peut répondre à celle d’Euripide, les veilles de Kafka à celles de Sophocle, où les paroles encore se mêlent de musique ou de peinture, s’exposent en autant de descriptions de combat, réconciliations espérées, cohabitations diverses – toutes traces et promesses d’un peuple humain, celui que, sans trop se le dire de peur de le faire disparaître, nous appellerions de nos voeux en venant là, dans une salle de théâtre, où faire tenir prudemment (oui, prudemment si on écoute la voix vigilante de François Tanguy) ces éclats de sens et de communauté. Après tout, le théâtre ne doit jamais oublier qu’il est un espace public : circulation d’un sens devenu plutôt sensation, où le spectateur entre dans la profondeur de champ, traverse le miroir et se tient autant que possible dans la matière. (...).
Tanguy Viel est romancier, invité par le T2G
" D'une beauté époustouflante. (...) Mais les habitués (...) reconnaîtront l'univers inimitable que sait créer François Tanguy sur le plateau, avec ses perspectives, ses lignes de fuite, ses ombres portées, dans ce théâtre d'échos et de figures où la lumière écrit au même titre que l'espace, les mouvements, le texte ou la musique. " Fabienne Darge, Le Monde, 12 novembre 2011
" [...] Onzième, la nouvelle production, créée au Théâtre national de Bretagne de Rennes pour le festival Mettre en scène et bientôt à l’affiche du théâtre de Gennevilliers, marque un changement de cap salutaire. [...] Le texte acquiert dans Onzième une place qu’il a rarement eue. Au commencement, voici plus de vingt-cinq ans, le théâtre du Radeau était quasi muet, et la parole souvent réduite à un grommellement lancinant qui, pièce après pièce, est devenu de plus en plus intelligible. Elle a, cette fois, franchi une étape décisive. Les bribes puisées dans les lectures de Tanguy (de Kafka à Péguy, ses goûts sont éclectiques) sont devenues de vraies scènes de théâtre dont il assume l’héritage, avec des comédiens à leur meilleur. [...] " René Solis, Libération
15, route de Manom 57103 Thionville