Orénoque

du 10 au 19 février 2000

Orénoque

CLASSIQUE Terminé

A bord d'un cargo délabré sur l'Orénoque, deux artistes de cabaret se sont embarquées pour honorer le pire contrat de leur carrière, au milieu de la forêt amazonienne. Au réveil tout l'équipage a disparu, sauf un géant noir "au yeux de raisins" qui gît, poignardé dans la cabine du capitaine…

Notes de mise en scène
L'histoire
Fifi et Mima vont en bateau...
De l'aube claire jusqu'à la fin du jour

Notes de mise en scène

Orénoque évoque en moi la nostalgie des divas tropicales des années 50 et leur royaume : une Amazonie de studio de cinéma. Mina et Fifi laissent leurs robes de chambre flétries pour enfiler le rêve, un costume de rumbera de film mexicain de l’âge d’or. Plumes, paillettes. Poursuite, rampe et loupiotes. Chansons et chorégraphies au son du Boléro, du Mambo et de la Rumba. Un esprit de la Jungle, sorte d’Ariel de l’Amazonie, vole au-dessus du bateau.

Le tout en noir et blanc, un peu colorié à la main. Orénoque est une fable allégorique où l’auteur dénonce la misère et chante la liberté avec beaucoup d’ironie et de tendresse pour ses personnages. Il les révèle à nous dans toute leur humanité.

Leur situation est une métaphore sur notre existence où chacun a le choix entre la noirceur et la lumière pour affronter la vie. Un des grands thèmes de la pièce c’est la distance entre le désir et la réalité. Mina et Fifi aspirent à une vie pleine et libre. Elles essaient et, à chaque fois, elles échouent et tombent plus bas.

Ces deux artistes de la vie incarnent l’instinct, les forces vitales de l’amour et du désir. Elles font face à la répression (que se soit celle de la police, des maquereaux, de l’église, de la morale bourgeoise, ou des normes sociales) avec toute la force de leur être. Elles sont le désordre, le danger, en quelque sorte le paradis perdu, exubérant, luxuriant ; la Tentation.

Esther André
Metteur en scène

L'histoire

A bord d’un cargo délabré sur l’Orénoque, deux artistes de cabaret se sont embarquées pour honorer le pire contrat de leur carrière, au milieu de la forêt amazonienne. Au réveil, tout l’équipage a disparu, sauf un géant noir "aux yeux de raisins " qui gît, poignardé dans la cabine du capitaine.

Mina Stravinsky et Fifi de Pigalle, deux anges déchus des tropiques, sont bringuebalés par les courants de la vie jusqu’au bordel du camp pétrolier PIE XII, la dernière étape avant l’enfer. Mina, plus âgée que sa compagne est déjà revenue de tout sauf de son amour pour Fifi, la musique et la poésie.

Fifi, poussée par sa rage de vivre, l’espoir chevillé au corps, compte toujours sur "un billet pour le paradis ". Après avoir ramené à la vie le beau Salomé, seul rescapé, elles apprennent qu’il les a sauvées du viol et de la mort en jetant tout l’équipage par-dessus bord. Huit morts d’un côté, deux artistes de bordel et un docker noir de l’autre.

" Les juges ne sont jamais du côté des gens comme nous " dira Fifi. Nos trois héros ont le choix : la prison, le bordel ou la fuite en avant. Le destin décidera pour eux : Une panne de moteur, et les voilà : trois petites fourmis  perdues dans l’immensité du Cosmos, buvant du champagne sur un bateau qui part à la dérive...

"Elles sont arrivées d’une mer, avec toute l’humidité du désir qui ne peut ni veut ni doit se décoller du corps. Elles ont débarqué dans la nuit unanime d’une salle de cinéma et elles ont laissé en chaque spectateur un goût de sel dans la pensée.  Ce goût apporté par la rumeur de la mer, ce goût qui vit dans la sueur d’un corps, ce corps qui s’agite au rythme des tumbas et des bongos, mais aussi au rythme du regard de celui qui l’embrasse et qui essaie de le faire sien."

Fernando Muñoz Castillo

Fifi et Mima vont en bateau...

Que dire de deux artistes de variétés de seconde zone, au langage cru, qui vont faire du strip-tease dans un bordel ? Que ce sont des putes ! Le tableau est vite brossé : accents gouailleurs, déhanché plus ou moins accusé, arrogance sensuelle de la lèvre inférieure, et le tour est joué ! Seulement voilà, Mina et Fifi se dérobent à cette image cliché, elles échappent au comportement lié à la guêpière et aux bas résilles. Chez elles, le refus de la vulgarité, la candeur, une certaine forme d’innocence, voire de pureté, coexistent avec un franc parler.

Que dire de ces artistes dont le répertoire se limite à des chansons sirupeuses et mièvres ? Que ce sont des ringardes sans culture ! Là encore, Mina et Fifi bousculent nos idées toutes faites : celle-ci fait allusion à la " mémoire affective " de Stanislavski et raconte par ailleurs La Fleur de Lin d’Andersen ; celle-là évoque les récitals poétiques qu’elles donnaient à San Salvador. Et si, en déclamant un fragment de Nouveau Monde Orénoque, Mina ne nomme pas le grand poète vénézuélien Juan Liscano, l’important n’est pas là, pas plus que de citer Stanislavski ou Andersen. Lorsqu’elles font surgir de leur mémoire ces petits trésors littéraires, témoins d’une émotion du passé, c’est pour les inclure dans leur quotidien, afin de se redonner du courage à vivre. C’est la Culture au secours de la vie.

CARBALLIDO a écrit là une fable qui fait la part belle à l’humour et au souffle poétique.

Maryse RAVERA
Traductrice

De l'aube claire jusqu'à la fin du jour

Orénoque se déroule en une journée, élément important pour visualiser cette fable.

La pièce commence sur une aurore tropicale que l’auteur qualifie " d’invraisemblable " par tant de luxuriance lumineuse. Au cours de l’acte 1 où nous apprenons que les deux femmes sont les seules maîtres à bord, le soleil monte progressivement au zénith, et à la fin de l’acte, au moment où elles rassemblent leurs énergies pour manœuvrer le bateau, il est midi. Midi sur l’Orénoque, c’est-à-dire une chaleur accablante, une lumière éblouissante, plus une seule zone d’ombre.

L’acte 2 commence sur un coucher de soleil. Elles ignorent où elles vont débarquer. Le soleil continue à décliner. Fifi raconte l’histoire de La Fleur de Lin, cependant que les machines du bateau s’arrêtent. On n’entend plus que le bruit de l’eau. Le temps est suspendu. Ce bateau qui, entre chien et loup, part à la dérive avec deux femmes à bord buvant du champagne, a quelque chose de surréaliste. Il fait nuit noire. Fifi allume quelques loupiotes. Elles sont là-bas à la proue, leurs vêtements flottent au vent. Rideau.

Se confondront-elles avec les vagues ou les nuages, comme les douze étincelles du conte d’Andersen s’étaient confondues avec les étoiles ?

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Spectacle terminé depuis le samedi 19 février 2000

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