L'illusion d'être accepté
Intentions
La tragédie du Maure
De La soufrière à Othello
Shakespeare place au coeur de cette tragédie les contradictions mortifères de la république vénitienne. On peut accepter pour des raisons politiques que le général Maure défende les comptoirs de la cité des Doges, mais cet homme "à la peau de suie" n’a de valeur qu’au nom de ces intérêts.
Sans doute Othello est-il aveuglé par l’image de l’amour et l’illusion d’être accepté au sein de cette société. Alors Iago va se charger de lui faire sentir, au plus profond de son âme et de sa chair, les tourments du mépris et du racisme.
Faire du théâtre en pensant qu'il s'agit d'une manière de vivre et non pas d'une activité de plus, qu'il s'agit d'un collectif de gens et non pas des intérêts d'un individu, qu'il s'agit de raconter des histoires qui reflètent les contradictions de notre société et non pas les soucis existentiels de l'un ou de l'autre, telle est pour nous la définition d'une troupe de théâtre, telle est la façon dont l'Epée de Bois pratique ce métier depuis janvier 1968.
Le théâtre de Shakespeare repose à la fois sur des personnages devenus des archétypes et sur un texte dont la richesse poétique ne cesse de fasciner le metteur en scène.
Othello appartient à ce qu’on a coutume d’appeler les quatre grandes tragédies, qui incluent Hamlet, Le Roi Lear et Macbeth. Ecrite en 1602, au moment où la troupe s’installe au théâtre du Globe, sur la rive droite de la Tamise, cette pièce s’inspire d’un conte de Giraldi Cinthio, intitulée Le More de Venise. Si Shakespeare garde l’armature de la nouvelle italienne, il l’épure de ses aspects mélodramatiques pour densifier l’action et explorer la profondeur psychologique des personnages.
Il dessine également un espace nouveau où se révèle la modernité du poète. Il quitte la Méditerranée antique de Julius César, Antoine et Cléopâtre, et Timon d’Athènes pour placer dans la puissante République de Venise la confrontation des deux mondes que le couple d’Othello et Desdemona va incarner. Déjà La Tempête montrait la rencontre du civilisateur Prospéro et de l’indigène Caliban.
La Renaissance a ouvert l’Europe aux questions, si présentes dans nos sociétés modernes, de la différence. Le théâtre, art populaire au sens noble du terme, en est la caisse de résonance. Dans le huis clos de la passion une brèche laisse entrevoir un univers ambivalent. Il sera dénié au brillant général dont les récits héroïques ont enchanté la jeune Desdémone le droit d’accéder en toute liberté au pouvoir politique et à l’amour. Il reste l’étranger, l’Autre, dont la douleur jalouse et les excès ne peuvent être qu’un trait stéréotypé de ses origines barbares. Le personnage de Iago est révélateur de ce mépris.
La tragédie d’Othello sera une marche aveugle vers la reconnaissance d’un droit au bonheur alors que le machiavélique Iago le mènera vers la mort. La force de Shakespeare est de laisser entendre, jusque dans les derniers vers, le désespoir d’Othello comme celui plus universel de tous ceux que nous excluons.
Après la création au Festival d’Avignon 2000 de La Soufrière, inspirée du Procès des Guadeloupéens, puis de Bois-Caïman et la Fuite du Citoyen Blancheville, dont le sujet est la libération de Haïti, La Tragédie d’Othello nous conduit à interroger un maître du théâtre sur sa conception du racisme.
En parcourant les siècles de l’Histoire européenne, c’est d’abord l’image de Toussaint Louverture qui s’est imposée. Notre lecture d’Othello s’est trouvée marquée par la figure de cet ancien esclave, libérateur d’Haïti, toléré par un pouvoir soucieux de ses intérêts économiques. Sa mort en France, dans une prison napoléonienne rappelle les réalités brutales d’une société esclavagiste.
Le poète élisabéthain nous raconte une des plus belles passions théâtrales, celle du Maure, Othello et de la blanche Desdémona. Mais il place au cœur du drame psychologique de l’amour et de la jalousie, les contradictions mortifères de la brillante république vénitienne. On peut accepter pour des raisons militaires et politiques que le courageux général défende les possessions et le commerce de la cité des Doges. Mais cet homme « à la peau de suie », venu du Maghreb ou de Mauritanie, n’a de valeur qu’au nom de ces intérêts. Sans doute, lui même est-il aveuglé par l’image de l’amour et l’illusion d’être accepté au sein de l’élite de Venise. Alors Iago va se charger de lui faire sentir au plus profond de son âme et de sa chair les tourments du mépris...
Othello nous donne à réfléchir, encore aujourd’hui, à nos passions humaines, qui enchevêtrent dans un mécanisme complexe, parfois inconscient, la lumière de l’amour et l’ombre tragique de nos haines racistes.
Tout d'abord, je félicite la troupe de l'Epée de Bois pour carisme et son profesionalisme. Elle nous permet vraiment de se glisser dans l'histoire. Je la remercie pour son accueil et sa gentillesse. L'Epée de Bois pour moi c'est avant tout la convivialité. Merci encore à tous les acteurs.
Les personnages sont construits avec une dimension comique très bien réussie qui n'enlève rien cependant à leur dimension tragique. On passe son temps à être transporté entre ces moments de légèreté qui nous font rire et ces moments tragiques où on arrive à descendre dans les profondeurs noires des émotions des comédiens. La scène où Othello tue sa bien aimée pourrait même être plus inquiétante encore, au moment où Othello devient un assassin démoniaque rongé par la jalousie et la haine alors que Desdémona réalise subitemment avec effroi qu'elle va mourir dans quelques minutes de ses mains et qu'elle n'y peut plus rien. C'est presque une scène de thriller ! Félicitations particulières à Manuel Montero qui arrive à donner des frissons au public tellement sa fureur est jouée juste et profondémment violente.
Tout d'abord, je félicite la troupe de l'Epée de Bois pour carisme et son profesionalisme. Elle nous permet vraiment de se glisser dans l'histoire. Je la remercie pour son accueil et sa gentillesse. L'Epée de Bois pour moi c'est avant tout la convivialité. Merci encore à tous les acteurs.
Les personnages sont construits avec une dimension comique très bien réussie qui n'enlève rien cependant à leur dimension tragique. On passe son temps à être transporté entre ces moments de légèreté qui nous font rire et ces moments tragiques où on arrive à descendre dans les profondeurs noires des émotions des comédiens. La scène où Othello tue sa bien aimée pourrait même être plus inquiétante encore, au moment où Othello devient un assassin démoniaque rongé par la jalousie et la haine alors que Desdémona réalise subitemment avec effroi qu'elle va mourir dans quelques minutes de ses mains et qu'elle n'y peut plus rien. C'est presque une scène de thriller ! Félicitations particulières à Manuel Montero qui arrive à donner des frissons au public tellement sa fureur est jouée juste et profondémment violente.
21 g, rue des Lices 84000 Avignon