La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France est une épopée où le merveilleux se mêle au vrai, un hymne qui se veut « ouvert, populaire », une affaire d’âme et de corps au sens « le plus sauvage, le plus mystique et le plus vivant ». C’est un voyage dans l’espace/temps, dans la mytho-biographie, dans l’écriture ; une traversée qui « hésite entre les souvenirs et le rêve », une fièvre qui nous mène aux quatre coins du monde et de la vie, un « orage sous le crâne d’un sourd »…
À la fois mots et peinture, cette œuvre propose un apport esthétique double, une perception simultanée des mots de Blaise Cendrars et des formes et couleurs de Sonia Delaunay. Si les éditions du poème ne peuvent, à cause de son format inhabituel, témoigner de la totalité de cette création, la scène, elle, peut tenter de la recréer ou encore la réinventer.
« La littérature fait partie de la vie. Ce n’est pas quelque chose à part », écrit Blaise Cendrars en marge de La Prose du Transsibérien, puis un peu plus loin : « Toute vie n’est qu’un poème, un mouvement. » Ce poème est ainsi vie et mouvement qui se donnent à voir et à entendre. Par le verbe bien sûr et par les couleurs polychromes de la peinture mais aussi par la présence douloureuse des corps : « liquéfier tous ces grands corps étranges et nus sous les vêtements qui m’affolent ».
Enfin, tissée avec le mouvement du verbe, de la peinture et des corps, la musique traverse l’ensemble de la composition. « Rythmes du train » ou « sonates de Beethoven » se jouent à travers le son des mots, les touches d’un piano, « le broun-roun-roun des roues », le tintement des cloches…
Balazs Gera
Passage Molière - 157, rue Saint Martin 75003 Paris