Dans une interview accordée au Spiegel en 1994, après la création à Munich de
Pulsion, pièce écrite après dix années de silence, Franz Xaver Kroetz se définissait
lui-même comme " un auteur classique mort plutôt que vivant ".
À la question : est-ce que Pulsion est une pièce sur lamour et lérotisme ou
sur limpossibilité des deux, il répondait quil sétait efforcé de
" rendre compte de la diversité des réactions humaines. Les personnages ne doivent
pas être des monstres. Il ny a pas là de dénonciation. Voir et faire cela serait
une faute ". Il ajoutait que cétait aussi une pièce contre la dictature du
monologue dans le théâtre contemporain. La " monologisation " du théâtre
étant pour lui la mort du théâtre.
Sous-titrée " comédie populaire ", la pièce se passe dans une exploitation
horticole à côté dun cimetière en Bavière.
Au début de la pièce, Otto, le propriétaire, dans la quarantaine, est au lit avec
Hilde, sa femme ça ne marche pas, léger conflit : Hilde " Après une
journée de travail, tu ne peux pas en plus exiger que le soir on soit une bombe sexuelle
! "
Fritz, le frère de Hilde, arrive à la scène II, il est venu travailler avec eux dans
lexploitation. Il sort de prison, bourré de médicaments quon lui a prescrits
pour le guérir de pulsions sexuelles trop fortes. Son arrivée provoque le délire
dOtto qui soupçonne Fritz davoir le sida et craint dêtre contaminé.
Fritz rencontre Mitzi, la trentaine effacée, employée de Hilde et dOtto. Il lui
révèle quil est sadique. Mitzi veut comprendre, Mitzi veut voir. Fritz le lui
refuse. Mitzi veut de lamour. Hilde, elle, vante les mérites du travail et fait
léloge dun nouveau système de climatisation capable en un clin
dil de faire alterner les saisons
La pièce semballe, une fête de la bière, une promenade en canoë-kayak, on baise
sur une tombe, les couples se font et se défont, une tentative de meurtre, une femme
enceinte, Otto trompe Hilde avec Mitzi.
La peur sempare de tous les personnages. La fragilité gagne les curs et les
corps. Les petits bourgeois sont fatigués, nerveux, érotisés, maniaques, tendres et
cruels.
Kroetz dit avoir écrit une pièce " où les personnages se jettent les uns contre les autres ". Il ne donne pas de réponses. Il nous pose des questions. Cest un théâtre inquiet qui interroge notre " part maudite ".
André Wilm
Machin-truc
Dans le jardin je préparais tout
pour écrire.
Je traînais ma table préférée,
dun poids considérable, dans le pré,
et posais ma chaise en paille tressée,
derrière.
Dune douzaine dinstruments pour écrire,
je choisissais le plus approprié
et posais à côté mon vin
dans ma carafe préférée.
Au cas où " rien ne me viendrait à lesprit "
je posais sur la table quelques anciens manuscrits,
méritant dêtre révisés,
à côté du papier vierge.
Et je consolidais le tout
avec des objets lourds de souvenirs.
À ma famille je demandais
de façon impérative
de me foutre la paix,
pendant cinq heures au moins.
Au bout dune heure, jétais bourré.
Et rien nétait écrit.
Je me jetais au lit
et prenais la décision dessayer demain
avec une autre table.
Franz Xaver Kroetz
Texte français André Wilms
Extrait du programme de Der Drang (Pulsion),
mis en scène par lauteur au Kammerspiele de Munich en 1994
15, rue Malte Brun 75020 Paris
Station de taxis : Gambetta
Stations vélib : Gambetta-Père Lachaise n°20024 ou Mairie du 20e n°20106 ou Sorbier-Gasnier
Guy n°20010