Trois couples, et chaque fois l’apocalypse : un accouchement prématuré, une mort subite de belle-mère ou une vitale purgation de bébé ! Pour la troisième fois, Didier Bezace revient à ces Feydeau : à l’Aquarium en 1984 (avec J. Nichet), au CDN d’Aubervilliers en 2001 ; aujourd’hui avec sa compagnie, si justement baptisée « L’entêtement amoureux ».
Oui, Bezace s’entête. Et par amour : il aime ces courtes comédies d’un Feydeau qui sait réinventer sur scène l’enfer de son propre couple en le hissant à hauteur de l’universel. Il adore ces personnages en phase critique : loin de se moquer d’eux, de les ridiculiser, l’enjeu de ce spectacle est au contraire de se laisser toucher par leur fragilité, leur obstination, leur désarroi soudain redoublé quand s’introduit chez eux la figure (diabolique !) d’une sage-femme tyrannique, d’un valet crétin ou d’un sale gosse.
Alors c’est vraiment à pleurer de rire – un rire qui n’est plus de mépris mais d’empathie. Il agit sur nous comme une catharsis, tant ces pauvres hères désirants et affolés nous ressemblent...
D’après trois pièces de Georges Feydeau : Léonie est en avance, Feu la mère de madame et On purge bébé.
« C’est la finesse du jeu de chacun, ici, interprètes très rares, qui enchante, force l’admiration, grise. Du très grand art à déguster passionnément. Et en riant tout le temps. » Armelle Héliot, Le Figaro et vous
« On découvre alors non seulement le chef-d’oeuvre qu’est On purge bébé, mais la troupe lui redonne une vie qui révèle de la profondeur et du génie dans le vaudeville genre tant décrié par les esprits sérieux. » Charles Silvestre, L’Humanité
« Jean Haas a conçu une géniale boîte à malice en plan incliné qu'on remarque à peine lorsque l’on s’assoit sur les gradins. » Philippe Chevilley,Les Echos
« Et c’est drôle, à en suffoquer par moments. » Fabienne Darge, Le Monde
« C’est drôle et féroce, et cela donne surtout l’occasion d’admirer la virtuosité d’une poignée d’acteurs de haut vol dans des rôles différents. » Laurence Liban, L’express
« La contemporanéité de l’écriture et de ses situations grotesques mais cocasses est possible grâce à une mise en scène centrée sur un décor pivot caméléon et au jeu truculent de Philippe Bérodot. » Gil Chauveau, Charlie Hebdo
« Didier Bezace qui s’aligne sur l’esprit malin de Feydeau effectue un savant dosage. Il évite la caricature des personnages. » Evelyne Trân, Le Monde
« Le dispositif (un grand coffre qui a toutes les fonctions, lit, bureau, salon) est ingénieur, le rythme juste, les acteurs excellents et sans conventions : Clotilde Mollet, Lisa Schuster, Thierry Gibault, Ged Marion, Philippe Berodot, Oceane Mozas, Luc Tremblais... On rit beaucoup. » Gilles Costaz, Politis
« Petiltante et cruelle la chronique fragmentaire brossée par le metteur en scène dresse un portrait cynique mais leger des affres de la vie conjugale... » Pierre Benhamou, La vie
« En matière de déguisement, les interprètes sont à leur affaire, passant d’un rôle à l’autre... Tous, formidablement rodés dans la précision du jeu, sont épatants. » Annie Chénieux, Le JDD
« Le plaisir quasi sportif d’une dramaturgie à l’alacrité enjouée, les délices d’une interprétation à l’énergie loufoque et le bonheur légitime d’un contenu, certes en partie caduc, mais détendant l’esprit le temps d’une soirée. » Michel Dieuaide, France culture
« De singuliers comédiens - Clotilde Mollet, Ged Marion, Luc Tremblais (entre autres) - incarnent superbement les exaspérations, dégoûts et mesquineries que suscite peu à peu Ia vie commune. » Fabienne Pascaud, Télérama
Un plancher à ciel ouvert pour les Fêtes nocturnes du Château de Grignan, ou bien dans le vide d’une cage de scène nue, bourré de trappes et de chausse-trappes : Il est tour à tour le désert domestique qu’arpentent Léonie et Toudoux, le lit trop grand d’Yvonne ou l’immense bureau de l’ingénieur Follavoine ; c’est un purgatoire où Feydeau lui-même précipite ses couples tombés depuis belle lurette de l’Eden dans l’enfer de la marmite conjugale. Pour mieux les tourmenter, nous faire rire et frémir, il se déguise et entre dans le jeu, il incarne sous les traits d’une accoucheuse diabolique, puis d’un domestique lugubre ou d’un mioche tyrannique les avatars d’un fatum minuscule tombant à point pour affoler les consciences hébétées de maris et d’épouses tétanisés.
S’ils nous font rire ces lointains ancêtres déchus d’Adam et Eve, ce n’est pas tant qu’ils sont bêtes, égoïstes et vulgaires, c’est que les folles péripéties de leurs existences ordinaires les mettent littéralement hors d’eux-mêmes : la grossesse de Léonie, la solitude d’Yvonne, l’angoisse maternelle hypertrophiée de Julie sont autant de prétextes à guerroyer l’autre, le mari, enfermé dans le conformisme et les faux-semblants d’une ambition dérisoire.
Strict contemporain de Strindberg, Feydeau fait farce d’un tragique malentendu et d’une guerre sans fin entre les sexes ; s’il avait écrit La danse de mort, il nous aurait fait rire, il écrit Feu la mère de Madame et la mort devient une farce. Saluons son génie d’un théâtre où seule l’énergie du jeu fait sens, nous ne le représenterons pas comme le plaisant ethnologue de la bêtise et du conformisme bourgeois mais plutôt comme le magicien facétieux d’un théâtre conjugal épique et absurde, aussi drolatique qu’amer dans la forme qu’il nous propose.
Le projet est porté au théâtre par une troupe – 7 comédiennes et comédiens – dont certains m’accompagnent depuis longtemps dans mon parcours artistique. Ils incarnent les trois couples dans Léonie est en avance, Feu la mère de madame, On purge bébé, ainsi que les personnages qui les entourent, domestiques, parents... Feydeau, diabolique et retors, est interprété par un seul comédien. Il apparaît dans chacune des trois pièces sous les traits des trois personnages qui viennent affoler la mécanique conjugale, madame Virtuel, le valet Joseph et Toto, l’enfant terrible. C’est une sorte de Prospéro farceur à l’imaginaire ingénieux, complice du public qui le voit agir pour perturber les esprits et les corps.
Pas de portes qui claquent, de canapés ni de boudoirs, simplement un grand tréteau nocturne sur lequel se jouent et se rejouent les variations cruelles et drolatiques de la vie maritale.
Didier Bezace, septembre 2015
Ceux qui ont écrit à propos de Feydeau, ils sont rares – on est vite en mal de dissertation à propos de Feydeau – l’ont parfois comparé à Molière, un Molière du début du 20ème Siècle. Si un élément les rapproche indubitablement, c’est le rire, sa force inextinguible, sa vertu collective, sa capacité simultanée de dénonciation et de réconciliation. Molière jouait de ses grimaces pour faire rire le parterre et la galerie aux dépens des personnages qu’il incarnait lui-même - Arnolphe, Sganarelle, Dandin, le malade... – plongés jusqu’à l’absurde folie dans leurs obsessions. Feydeau met au point des mécanismes de situation et de langage qui font exploser le rire aussi sûrement qu’éclate une bombe. C’est un horloger minutieux, un farceur tatillon qui ne laisse aucune chance à la psychologie de déclencher l’explosion à sa place.
Ainsi ces deux dramaturges font naître par le jeu une conscience collective qui s’exprime par la secousse physique du rire, c’est un phénomène cathartique comparable à celui des larmes, on dit d’ailleurs pleurer de rire comme on pleure de tristesse et j’ai vu parfois, au cours de représentations de pièces de Feydeau, des spectateurs atteints brutalement d’une hilarité hémorragique relevant d’un bouleversement physique d’ordre sismique.
Le rire est une émotion indispensable à l’émancipation des consciences mais au-delà du rire, qu’est-ce qui fait de Georges Feydeau un dramaturge si populaire ? Sans doute la part d’humanité ordinaire qu’il met en jeu dans son oeuvre et plus particulièrement dans les courtes pièces en un acte qu’il a écrites entre 1908 et 1916.
Noctambule et mondain, mais néanmoins solitaire, il a beau mettre en chantier de nouvelles comédies, ébaucher de futurs vaudevilles, rien ne s’achève ; seules jaillissent ces petites perles d’ironie et d’amertume que sont ces courtes pièces sur le mariage. Elles semblent moins écrites qu’improvisées presque oralement, comme si l’homme arpentait sa chambre de l’Hôtel Terminus en rejouant pour lui-même les douloureux et drolatiques épisodes de sa vie à deux. Mais la tentation de la confession n’existe pas chez Feydeau, il construit avec un sens aigu du banal et de l’extraordinaire des fables implacables où l’homme et la femme sont jetés comme des boules sur un tapis, s’entrechoquant et rebondissant l’une sur l’autre dans une sorte de mouvement perpétuel. Rien ne les sépare, tout les éloigne, ils sont unis jusqu’à l’épuisement, solitaires à deux, ennemis et amoureux.
À la virtuosité des rebondissements, des quiproquos et autres brillants artifices du vaudeville qui le rendirent célèbre, il substitue une autre mécanique plus intime fondée sur le jeu des ambitions déçues, des intimes renoncements, et tous les ingrédients explosifs de la marmite conjugale mais il ne renonce pas à son génie de l’intrusion : à chacune des étapes de la marche forcée à laquelle il condamne les couples qu’il met en scène, il laisse au hasard le soin d’exacerber leur crise, s’amuse et nous amuse, de cette nouvelle forme de destin sans noblesse, ni grandeur, qui est l’apanage de nos vies modernes. Sans volonté de fabriquer du sens, simplement pour le plaisir d’une énergie théâtrale consacrée à se venger de la vie. Ces pièces auraient dû, si l’on en croit les témoignages, être éditées en marge de son Théâtre, dans un volume intitulé « Du mariage au divorce », une oeuvre à part en quelque sorte, constituée d’épisodes indépendants : une sorte de chronique fragmentaire joyeuse et cruelle de l’anarchie conjugale.
L'acteur qui joue le diablotin (Philippe Bérodot ?) intervenant dans chacune des 3 pièces vaut le déplacement. Les autres membres de la troupe sont bons aussi surtout le mari de Léonie qu'on revoir comme bonne dans "on purge bébé". La pièce du milieu (Feu la mère de Madame) s'étire en longueur avec une mise en scène pataude. C'est aussi celle où le diablotin est le plus en retrait, c'est sans doute pour ça. En fait, hors les scènes avec le diablotin et le mari de Léonie/la bonne, ça manque de folie;
Le "voyage " jusqu'à la Cartoucherie, le verre de bière sous les marronniers, une salle de theatre très fonctionnelle, et la pièce: une mise en scène et un jeu d'acteurs epoustouflants! Tout cela vaut largement l'effort et le détour! A recommander!
Excellent
Dynamique, enlevé et énergique . On passe un excellent moment
Pour 5 Notes
L'acteur qui joue le diablotin (Philippe Bérodot ?) intervenant dans chacune des 3 pièces vaut le déplacement. Les autres membres de la troupe sont bons aussi surtout le mari de Léonie qu'on revoir comme bonne dans "on purge bébé". La pièce du milieu (Feu la mère de Madame) s'étire en longueur avec une mise en scène pataude. C'est aussi celle où le diablotin est le plus en retrait, c'est sans doute pour ça. En fait, hors les scènes avec le diablotin et le mari de Léonie/la bonne, ça manque de folie;
Le "voyage " jusqu'à la Cartoucherie, le verre de bière sous les marronniers, une salle de theatre très fonctionnelle, et la pièce: une mise en scène et un jeu d'acteurs epoustouflants! Tout cela vaut largement l'effort et le détour! A recommander!
Excellent
Dynamique, enlevé et énergique . On passe un excellent moment
une mise en scène diabolique, des acteurs d'une énergie jubilatoire, du rire et de l'absurde. Une excellente soirée !
La Cartoucherie - Route du Champ de Manoeuvres 75012 Paris
En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
Parking Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.