Requiem

Paris 4e
du 5 novembre au 21 décembre 2002

Requiem

Une femme et un homme qui se trouvent être une sœur et un frère. Ils se retrouvent après une douloureuse absence… Leur amour se regarde dans le miroir de la haine. Une partition viscérale pour deux êtres qui sont les lèvres d’une même blessure.

La pièce
Quelques notes de mise en scène

« Je m’imaginai sur une route… C’était tout le contraire. Je chutai… Bientôt, je ne serai plus qu’une loque à mon tour. Il était assis en face de moi, les yeux à moitié ouverts… Il voulait me crever… Je le regardai s’enfoncer un peu plus dans la haine. J’étais venue par amour. » première réplique de « Requiem »

Niels se drogue. Niels boit. C’est l’adolescent à perpétuité dévastateur. Tout ce qu’il touche part en fumée : son couple, sa famille, son travail… Il se réfugie dans l’apathie et la lecture de l’un des écrivains maudit du XXème siècle, Charles Bukowski.

Spectatrice désespérée, Léna, sa sœur, souffre de sa déchéance. N’y tenant plus, et malgré sa promesse de silence, elle « trahit » son frère après une prise de drogue particulièrement violente.

C’est la rupture. Il s’enfuit. Il emporte sa dégradation au loin, dans une autre ville et ne donne pratiquement plus de nouvelles, si ce n’est les furtifs appels au secours qu’il faut décrypter dans ses rares conversations téléphoniques.

Le temps passe. Le sentiment de culpabilité obsède Léna. Un jour, elle prend le train. Elle va rechercher son frère, s’expliquer avec lui, le remonter à la surface, le sauver de lui-même. Ils se retrouvent après une longue absence et… c’est « Requiem ».

Au cours d’un week-end fatal, les non-dits sortent du silence. Parfois dans d’atroces déchirements. Parfois dans des confidences passionnées.

La pièce se présente comme le récit du traumatisme amoureux d’une sœur qui tente désespérément de faire le deuil de sa passion pour son frère.

Pas d’histoire, mais une situation, une partition qui se déroule inexorablement au rythme d’un flux et reflux où l’amour le plus irraisonné rejoint la haine la plus viscérale. C’est le requiem d’une relation qui effleure l’inceste.

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L’écriture de Pascale Kukawka dicte la mise en scène. Des phrases courtes, tranchantes comme des lames de rasoir qui mettent les personnages à vif.

Il ne s’agit pas d’une dissection scientifique, mais de blessures profondes qui saignent. Les répliques assénées, les comédiens n’ont plus qu’à laisser parler leur sang qui coule.

Tout cela est pourtant d’une violence qui n’explose que très rarement, et sous couvert de l’alcool. En fait, il s’agit plutôt d’hémorragies internes. Les personnages sont isolés dans leur drame personnel et, lorsqu’ils parviennent à communiquer, c’est comme deux silex qui se heurtent. Des étincelles jaillissent, semblables aux flashes d’un photographe qui les filmerait sans concession. 

Comme les mots suggèrent le drame, l’image ébauche le lieu où il se déroule (l’appartement du frère) comme représentation visuelle de sa déchéance. Le tout sculpté par un éclairage concis, qui favorisera l’ombre à la lumière comme le texte favorise le non-dit à l’énoncé.

La représentation sera un long flash-back. En effet la mise en scène prendra le parti du souvenir traumatisé de la jeune femme. C’est elle qui racontera l’histoire au cours de son voyage de retour dans le train. 

Celui-ci réapparaîtra d’ailleurs plusieurs fois, par un leit-motiv sonore, comme la seule passerelle qui lui reste entre la réalité et le cauchemar qu’elle vient de vivre. Des images obsessionnelles lui reviendront sans cesse comme les souvenirs heureux de leur enfance commune en surimpression sur les scènes violentes qui viennent de l’opposer à son frère. 

Au demeurant, la vision que le spectateur aura de celui-ci sera celle, déformée, à la limite de la folie, que sa sœur emporte de lui.

La représentation sera un travail sur la mémoire. Sur sa façon de percevoir ce qui s’est réellement passé, sur la traduction qu’elle en fait (imbroglio à vif de sensations, d’époques, d’onirisme, de réalités…), sur son rapport avec le présent et l’avenir et sur sa démarche pleine de points de suspension et apparemment chaotique.

Marc Delaruelle

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Spectacle terminé depuis le samedi 21 décembre 2002

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