Prologue
Pourquoi Orphée ?
Le projet
« (...) Bientôt, quand tu auras renoncé à vouloir remonter la pente, tu disposeras de longues heures pour toi tout seul, libéré par le cercle de dédain dans lequel on te laissera paître (le monde a horreur de l’apparence du chagrin)… Là, dans ce labyrinthe de l’esprit, tu verras naître tes pensées à partir d’un désert sans limites, d’une mer d’errances poignantes. Alors tu rêveras. Et comme les sentiments finissent toujours par reprendre le dessus, tu pourras reconstruire un paysage, trier sur le volet tes divagations, aller de nouveau encore et toujours vers ton émerveillement. C’est la base, mon chou, c’est la base ! Donne moi un béco ! (...) »
« Comment vivre sans inconnu devant soi ? Les hommes d’aujourd’hui veulent que le poème soit à l’image de leur vie, faite de si peu d’égards, de si peu d’espace et brûlée d’intolérance. Parce qu’il ne leur est plus loisible d’agir suprêmement, dans cette préoccupation fatale de se détruire par son semblable, parce que leur inerte richesse les freine et les enchaîne, les hommes d’aujourd’hui, l’instinct affaibli, perdent, tout en se gardant vivants, jusqu’à la poussière de leur nom. Né de l’appel du devenir et de l’angoisse de la rétention, le poème, s’élevant de son puits de boue et d’étoiles, témoignera presque silencieusement, qu’il n’était rien en lui qui n’existât vraiment ailleurs, dans ce rebelle et solitaire monde des contradictions. » René Char, Le poème pulvérisé (argument)
Olivier Brunhes a reçu le soutien du Centre National du Livre pour la rédaction de Rêve d'A.
L’amour est la porte d’entrée du monde. Nous naissons en criant dans l’angoisse de la première séparation, obligés de quitter la douceur du ventre maternel pour aller seuls, de plus en plus, jusqu’au froid de la tombe. Jusqu’en enfer ? L’amour, à l’image du bonheur ou de la richesse, se mesure à l’aune de la perte, de la fragilité, de l’absence et de la mort. Le théâtre, le poème ou la musique, livrent au monde une vision de l’amour sublimée, transcendée. Une vision qui porte la promesse de retrouver l’autre moitié de nous-même, notre moitié chérie, mystérieusement disparue.
Un rêve.Un drôle de rêve, fait de sensations, de désirs, de violences, d’humour. Un rêve qui permet de remplir le trou béant de nos angoisses avec nos émotions dans l’espoir d’aller le mieux possible dans ce monde brutal, grinçant et mortel. Ce monde inexorablement incomplet, affamé, assoiffé d’amour.
Un Rêve d’A.
C’est une fiction sur l’amour. Qui parle de notre soif, de notre quête d’amour.
Je souhaite porter à la scène un théâtre jubilatoire fait de sensations fortes, d’émotions violentes et drôles. Le rêve est la clef pour voyager dans cette cartographie amoureuse, parce que, d’une part (comme chacun sait) « la vie est un songe », d’autre part parce que je souhaite explorer ici les mondes visibles et invisibles, je veux dire le monde des hommes comme celui des Dieux, des enfers, des fantasmes, des visions. L’espace intérieur et l’espace extérieur. Le point de départ de cette histoire est un couple de jeunes amoureux dans un café festif et musical, peuplé, grouillant d’humanité et de désirs. Un café dans lequel chacun, selon son point de vue, parlera de son espoir d’amour ou de sa désillusion.
Bientôt ce couple va entrer dans la douleur de la séparation, l’enfer de la mort, l’inacceptable perte. Nous suivrons le héros parti chercher son amour au pays des défunts, au coeur des enfers, avec ses gardiens, ses divinités, ses damnés... Dans un voyage onirique et initiatique. Comme Orphée. Ce jeune homme, évanoui au cours d’une soirée de fête (ivre de mots autant que d’alcool), perd sa fiancée puis déroule devant nous une succession de visions incarnées par les clients de ce café transformés, pour l’occasion, en figures mythologiques.
Une pièce pour trois actrices et quatre acteurs, incarnant tour à tour les différents personnages que ce jeune homme en feu, en peine et en espoir, rencontrera au cours de ce rêve. Si l’on étudie précisément le texte, on peut observer une cohérence entre les différents rôles proposés aux acteurs, un fil rouge qui permet de retrouver des similitudes, des gimmicks, des sonorités, des correspondances entre les personnages des différents tableaux et leurs interprètes. Héros malheureux, Orf sera le seul personnage fixe, le pivot de cette fiction. Ce récit déploie une succession de tableaux : celui du café, de l’hôpital (qui incarne à mes yeux les portes du royaume des morts dans notre époque) comme passage vers l’autre rive, des filles en vitrine, de la boîte des lamentations, des damnés, des parents fantomatiques, d’un dealer, de Dieux directeurs de ce royaume obscur.
Un récit fait d’images, de visions surnaturelles et proches, comme si l’enfer n’était pas loin. Un voyage qui mettra au monde un homme nouveau. Revenu de loin.
6, rue Marcelin Berthelot 93100 Montreuil